Archives

Le bâtiment face au changement climatique

Les changements climatiques semblent bien réels...

Tous les climatologues sont d'accord : aujourd'hui, l'échelle de temps n'est plus la même. Il n'est pas sérieux de comparer les très longues périodes de réchauffement et de refroidissement de la planète avec un phénomène comme l'effet de serre, constaté depuis seulement quelques décennies. Les changements climatiques sont donc bien réels et s'accélèrent. Et d'ailleurs, même si on arrêtait toute émission de CO² dans l'atmosphère, les modifications climatiques se poursuivraient. Mais on ne sait toujours pas très bien sur quoi portent et porteront ces changements. Davantage de fortes tempêtes et de précipitations ? Une accélération des périodes sèches et des périodes humides ? Des dérèglements thermiques ? Les spécialistes restent très prudents sur les pronostics.

Faut-il alors construire autrement pour faire face à ces changements ?

Quand j'interroge les experts du CSTB sur les conséquences de ces changements climatiques et sur la manière de construire - en clair, que faut-il changer dans la réglementation ? - leur réponse est : "rien". En revanche, ces mêmes experts insistent pour que la réglementation soit strictement appliquée. Jusqu'à présent, on pouvait se permettre, sans graves conséquences, de rester dans "l'à peu près". Ce n'est plus possible.

Prenons l'exemple des grandes tempêtes. Lors de celle de 1999, la force des vents était à la limite de ce que prévoit la réglementation. On peut donc dire que cette réglementation est parfaite, puisque là où elle a été bien appliquée, les bâtiments ont tenu. Par contre, on a déploré des sinistres quand elle a été mal appliquée. On ne peut donc plus se permettre de marges de manœuvre. C'est cela la nouveauté. Il faudra une incitation plus forte pour que la réglementation soit bien appliquée.

De même, au CSTB on sait très bien que toutes les architectures ne sont pas égales face aux risques climatiques. Certaines sont moins robustes que d'autres. Mais pourtant, pas question de réglementer l'architecture… C'est donc au maître d'ouvrage de prendre ses responsabilités.

Enfin, on constate que les matériaux sont de plus en plus légers. C'est le cas des toitures. Pourtant, le DTU qui a pour objet de fixer la toiture à la charpente est en général bien appliqué, alors que celui dont l'objet est de fixer la charpente au mur l'est moins bien. Résultat : on voit les toits et les charpentes décoller sous l'effet du vent. Il faut donc réfléchir à une bonne application globale de la réglementation.

N'a-t-on pas alors tendance à classer comme catastrophes naturelles des phénomènes qui ne le sont pas toujours ?

Absolument. Prenons l'exemple de maisons individuelles construites sur des argiles gonflantes. Il existe des fondations efficaces sur ce type d'argiles, d'autres qui le sont moins. Lorsqu'un constructeur décide de bâtir sur une zone à risques - et on commence à bien les connaître - et ne prend pas les mesures nécessaires, est-il normal qu'il invoque la catastrophe naturelle en cas de sinistre ? Autre exemple : celui de zones inondables. Comme on a multiplié les digues et retenues d'eau pour éviter les inondations, on a peu à peu "oublié" que certains terrains sont inondables et donc non constructibles. Et quand arrive le pépin, on demande la procédure de catastrophe naturelle. En fait, je pense que notre société ne gère pas bien ce problème et qu'elle devrait s'organiser pour dire : « Si vous prenez des risques qui sont connus, il faut que vous fassiez des constructions en conséquence. » Il faut savoir construire dans des zones inondables comme on sait le faire très bien dans les zones cycloniques. Il faut s'organiser pour résister.

Vous déplorez donc que la société déresponsabilise trop ?

Effectivement, à force de faire croire à la population que le "risque zéro" est réel, quand arrive un problème il faut trouver un responsable, un bouc émissaire (je suis victime et je veux être dédommagé). C'est le contraire d'une démarche responsable. Au lieu d'accepter une part de risque, d'apprendre à la maîtriser, on se met en position d'assisté par rapport à une réglementation qui est sensée nous protéger. Il faut redonner de la responsabilité au citoyen…

Réunion d'experts

Le 15 avril dernier, une trentaine de représentants européens, ainsi qu'un représentant du Centre national de recherche du Canada, se sont réunis aux CSTB pour la 4e rencontre annuelle organisée par le groupe W 108 (Climate change and the built environment) du CIB (International Council for Research and Innovation in Building and Construction).

Si l'intensité et les fréquences des vents extrêmes ne semblent pas devoir évoluer de manière significative au cours du siècle, d'autres effets comme l'élévation du niveau des mers (inondations côtières),le changement de régimes des précipitations (crues), la variation de l'humidité des sols argileux (impacts sur les structures), des canicules (impacts sur le confort, sur la mortalité) pour n'évoquer que des impacts clairement identifiés, sont déjà des réalités prises en compte, par exemple par la ville de Londres dans son plan d'actions d'adaptation.

Les outils permettant d'évaluer la probabilité d'occurrence d'évènements localisés ne sont pas encore disponibles, aussi est-il difficile de bâtir des programmes d'actions basés sur des données fiables. Les assureurs se posent bien entendu ces questions sans avoir toutefois arrêté de position résultant d'une franche prise en compte du changement climatique probable.

La consommation d'énergie dans les bâtiments et les moyens d'en limiter l'usage, tout en garantissant un confort admissible par les occupants, fait bien évidemment partie des questions centrales. Si des solutions techniques peuvent constituer des débuts de réponse, reste que le comportement des occupants, leur capacité d'adaptation, jouera un rôle clé quant à leur efficacité.

La mise en place d'organismes tant en France (Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique, ONERC) qu'au Royaume-Uni (UK Climate Impacts Programme) atteste de l'importance de ces questions pour les pouvoirs publics. Ces organismes  sont chargés de préciser un cadre pour la définition de politiques d'adaptation.

Les travaux du CIB W 108 vont se poursuivre afin de créer les conditions d'une plus grande sensibilisation des utilisateurs du cadre bâti aux impacts du changement climatique.