Jacques Ferrier, utopiste réaliste

Après avoir fait ses armes avec Sir Norman Foster à Londres, Jacques Ferrier a créé sa propre agence en 1993. De nombreuses réalisations ont jalonné sa carrière (voir encadré). Et depuis quelques temps, Jacques Ferrier s'est lancé dans la recherche à travers deux projets, véritables "concentré" de sa vision de l'architecture. En partenariat avec EDF, il a réfléchi à un immeuble prototype à haute qualité environnementale. Pour le constructeur de maisons individuelles Phénix, il a pensé à un habitat de série à haute valeur esthétique ajoutée. Dans les deux cas, l'architecture accompagne le renouvellement des usages.

Concept Office est tout autant un projet de recherche qu'un projet d'architecture, explique-t-il. Il procède du même principe qu'un "concept car" de l'industrie automobile. C'est un point de passage entre les lieux de production tertiaires actuels et futurs. Objectif du "Concept Office" : être un laboratoire virtuel d'expérimentation de nouveaux concepts de travail et de nouvelles technologies de l'information et enrichir les projets concrets en cours ou à venir. Ici, l'agence d'architectes joue le rôle d'un laboratoire suscitant et proposant des innovations en faisant le lien entre des technologies existantes et les attentes liées aux usages. Ce concept office est du même coup une mise en scène virtuelle et synthétique des innovations technologiques qui se modifient au contact les unes des autres. En quelque sorte, une sorte de "think tank" à la française.

Le tertiaire ouvert sur la cité

Le bureau de demain pour Jacques Ferrier ? Un espace multi-usages de 20 000 m², irrigué par les énergies renouvelables et servi par une architecture largement transparente. Avec un postulat de départ : les bâtiments de bureaux sont vides la plupart du temps. D'où l'idée de mettre en commun des espaces avec le reste de la cité, une ouverture sur la vie et la ville sous la forme de commerces, de restaurants, d'installations sportives ouverts toute la semaine. Et ce, en dehors des horaires de bureaux. Il s'agit de créer des usages nouveaux et innovants de l'espace, sans zoning mais autour d'un dispositif d'organisation distinguant les espaces publics des espaces privés où l'on peut travailler seul. « L'objectif est de confronter des programmes très diversifiés pour engendrer de nouvelles relations sociales, de nouveaux comportements et intégrer des personnes extérieures au bureau, explique l'architecte. »

L'immeuble de bureaux devient un acteur de la vie de la cité. Un principe du multi-usages qui se retrouve au CNIT à la Défense, à la différence près que l'ouvrage est loin de satisfaire aux critères élémentaires de qualité environnementale… Car le projet "Concept Office", outre le fait d'être élaboré selon une nouvelle manière de concevoir et d'organiser les espaces de travail, fait de la haute qualité environnementale un de ses principaux axes de recherche. Partant du slogan "bon producteur, faible consommateur", il s'agit de limiter l'impact de l'ouvrage sur son environnement, en tirant parti des énergies renouvelables disponibles : capteurs thermiques sous vide, façades double peau, courants porteurs en ligne, panneaux photovoltaïques, puits canadiens et autre pompe à chaleur…

Dans la même veine, Jacques Ferrier a prévu d'installer une pompe à chaleur sur eau de mer au futur musée de la voile, dont il a remporté le concours. Probablement une première en France, du moins pour un projet d'une telle ampleur.

La maison individuelle à ossature métallique revisitée

Il en va de même pour la maison individuelle comme pour l'espace de travail : on y recrée des espaces conformément aux nouveaux modes de vie. L'agence de Jacques Ferrier travaille depuis trois ans sur le projet de maison Phénix nouvelle génération dite "Concept House". Il fallait ici rajeunir le modèle de la maison individuelle Phénix, qui s'adresse désormais à la troisième génération d'acheteurs. Des acheteurs primo-accédants qui cherchent un modèle d'habitat de plus en plus éloigné de la maison individuelle traditionnelle "à la papa", mais où l'apparence d'un habitat épuré (sans les sempiternels chiens assis, par exemple) demeure malgré tout primordiale. D'où l'idée d'un procédé de construction en série d'une maison modulaire en ossature métallique, de 50 à 150 m² de surface utile. La réflexion de Jacques Ferrier est partie de deux stratégies constructives distinctes : l'une sur l'enveloppe porteuse, l'autre sur le squelette lui même, laquelle structure est pensée indépendamment de l'enveloppe.

Des emprunts à l'architecture d'Europe du Nord

En empruntant à l'architecture d'Europe du Nord, il a façonné un habitat contemporain, développant une hauteur de plafond supérieure à la normale, avec l'idée de "l'espace +", des m² supplémentaires, par exemple sous la forme d'un auvent. Le "must" étant indéniablement la maison type loft avec double hauteur avec charpente métallique visible, avec près de deux tiers de toiture vitrée. Le style de la maison est laissé à l'appréciation de chacun, avec une série de propositions sur l'enveloppe elle même, avec l'insertion de tuiles ou de lanterneaux solaires, ou la mise en œuvre de portes fenêtres, etc. L'idée du plan libre permet de penser un espace non cloisonné, avec une entrée par l'arrière d'une maison pensée en long, de manière à rompre l'alignement sur la rue.

Ici, contrairement à la réflexion sur le tertiaire, il s'agit d'une recherche qui aboutira très prochainement : des ouvrages pilotes sortiront de terre dès septembre prochain. Plusieurs des collaborateurs de l'architecte se disent prêts à acheter la maison loft. Difficile de trouver meilleurs ambassadeurs...