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La gare de Marseille en pince pour sa façade

Deux projets en un

Seule gare grandes lignes de la cité phocéenne, la gare Saint Charles est largement à l'étroit pour accueillir le flot quotidien des quelque 40 000 voyageurs, ce notamment depuis l'arrivée du TGV Méditerranée. D'où une remise à niveau nécessaire, avec un projet bicéphale. D'une part, il s'agit de créer des infrastructures ferroviaires dans l'avant gare tels que des bâtiments d'exploitation, de nouvelles voies de façon à créer un centre multimodal permettant de créer un point de rencontre entre les différents moyens de transport urbains, interurbains, régionaux et grandes lignes. D'autre part, la construction de nouveaux équipements servant à l'accueil des voyageurs. Ce projet s'inscrit de facto dans le cadre d'une opération urbaine d'envergure intégrée au programme d'aménagement d'Euroméditerranée sur une ZAC qui vient englober la totalité du quartier Saint Charles.

La nouvelle halle Honnorat qui doit être érigée en lieu et place d'un large trou de 16 m de profondeur sur 170 m de long et 40 m de large reliera la gare SNCF et la gare routière par un mail planté où viendront se loger commerces ainsi que divers services de la SNCF.

Ce long édifice sera rythmé en façade par une série de 64 colonnes sur lesquelles reposera une façade de verre conçue et mise en œuvre par la société vosgienne Viry, en partenariat avec AREP, le bureau d'études de la SNCF. Cette façade, en sus d'assurer une certaine cohérence architecturale entre ancien et nouveau bâtiment (grâce notamment à la mise en œuvre de la pierre précontrainte), permettra de filtrer la lumière et de limiter les apports solaires.

5000 m² de vitrage extérieur pincé

Le vitrage mis en œuvre s'apparente du point de vue structurel au procédé de verre extérieur attaché (VEA) mais sans perçage. Les pans de verre verticaux dont les produits verriers sont fixés par des dispositifs ponctuels non traversants ont fait l'objet d'une ATEx auprès du CSTB en raison de leur caractère non traditionnel. L'ATEx porte plus précisément sur les « pièces d'attache et de support des panneaux verriers ».

Le vitrage est tenu sur ces quatre coins par « pincement », d'où la dénomination de « verre pincé » pour ce type de technique de façade légère. Il ne participe pas à la stabilité du bâtiment, laquelle incombe à la structure de celui-ci. Le vitrage se fixe ainsi directement sur l'ossature primaire, contrairement au VEA standard où le vitrage est tenu ponctuellement par une étoile. Les panneaux de vitrage sont par ailleurs indépendants les uns des autres, chaque panneau transmettant directement les actions verticales et horizontales à la structure porteuse en acier.

A Saint Charles, les vitrages des pans de verre des façades sont liaisonnés à l'ossature par l'intermédiaire de pièces d'angle en aluminium moulé fixées par un axe en acier sur une platine métallique. Les attaches en aluminium (matière plus légère et à l'état de surface plus satisfaisant que l'acier) comprennent également un couvercle dont la fixation est assurée par une vis en acier inox. Les éléments de fixation constituent des rotules au coin des panneaux et assurent ainsi 2 degrés de liberté en rotation autour d'axes situés dans le plan du vitrage.

Les vitrages dont les angles sont coupés à 45 degrés sur 25 mm sont calés dans les attaches par l'intermédiaire de bande EPDM. Un joint silicone en profilé extrudé est placé en périphérie des attaches et du couvercle. Les vitrages à bords JPI en feuilletés recuits 15.15.4 ou, pour les trames hautes des pans de verre, en feuilletés trempés HST 15.15.6 montrent des dimensions imposantes de 2,6 m à 3 m de hauteur par 2,2 m à 2,6 m de large.

Au total, l'opération comporte la mise en œuvre de quelque 5 000 m² de vitrages extérieurs pincés.

Avantages du verre pincé ? : faire reposer les charges sur la charpente métallique plutôt que sur les points d'accroche, limiter la trempe en utilisant un vitrage feuilleté recuit ce qui limite d'emblée les phénomènes de casse spontanée, mais aussi disposer de volumes verriers plus simples à fabriquer et plus rapides à mettre en œuvre en raison du moindre nombre de pièces.

64 colonnes de 14 m en pierres de taille

Ces colonnes sont destinées à supporter en rive la toiture de l'ouvrage, ainsi que les vitrages de la façade. Les 64 poteaux de la façade sud sont constitués d'éléments en pierres calcaires, assemblés entre eux par un joint de mortier et comprimé par une précontrainte verticale de façon à ce que la résultante des forces appliquées reste à l'intérieure de la section de la pierre sous sollicitation de charges et surcharges extrêmes.

Cette précontrainte, réalisée au moyen de câbles toronnés de forte puissance, est ancrée en partie inférieure dans les poutres de béton armée ou poteaux de la dalle du parking et en partie supérieure sur une pièce en acier, support des tête d'ancrage. Compte tenu du fait qu'il s'agit bien de la première réalisation de colonne précontrainte en pierre naturelle, le caractère non traditionnel de cette technique fait l'objet d'une Appréciation Technique Expérimentale (ATEx) auprès du CSTB.

Le CSTB a également réalisé les essais de faisabilité (montage) et de comportement sous charge horizontale et verticale de la colonne en laboratoire. Les 64 colonnes en quelques chiffres :

  • 155 éléments de pierre de Mont Caume taillées de dimensions approximatives L x l x h = 1600 x 1100 x 600 mm
  • 754 éléments de pierre de Lens taillées de dimensions approximatives L x l x h = 1600 x 800 x 600 mm
  • 9 900 kg de torons gainés graissés afin d'appliquer une précontrainte permettant d'exercer une force verticale pouvant atteindre 1600 kN par colonne.