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Les tribulations d'un architecte en Chine... et ailleurs

Architecture Studio vient de faire parler d'elle en remportant le concours de la restructuration de la Maison de la Radio à Paris, un chantier de longue haleine livrable en 2012. Mais l'agence, forte de huit architectes associés et d'une centaine de collaborateurs, dont des urbanistes, des designers et des architectes d'intérieur, n'en est pas à son premier coup d'essai. Car Architecture Studio, depuis le projet de l'Institut du Monde Arabe construit en collaboration avec Jean Nouvel au milieu des années 80 et qui l'aura mis sous les feux de la rampe, a construit tous azimuts : une résidence universitaire le long du périphérique parisien, une résidence pour personnes âgées dans le 20e arrondissement de Paris, l'Institut national du judo toujours à Paris, l'Église Notre-dame de l'Arche d'Alliance rue de la Roquette, ou encore le collège HQE de Mirecourt, le Parlement Européen de Strasbourg et l'Ecole des Beaux Arts et d'Architecture à La Réunion. Quant à l'étranger, on retiendra les projets en cours tels que les bâtiments de l'Exposition Universelle de 2010 à Shanghai, la porte Ouest de la Mecque en Arabie Saoudite, le théâtre - opéra de la Fondation Onassis à Athènes.

"Sortez de vos agences !"

Car c'est surtout hors de France qu'Architecture Studio vend son savoir-faire, fort d'un curriculum vitae qui sait séduire jusqu'en Chine. Un pays où l'agence aura gagné pour la seule année 2004 pas moins de 40 concours ! D'où la nécessité d'ouvrir à Shanghai une structure permanente d'une vingtaine de personnes. Pour épouser les pratiques locales, Laurent-Marc Fischer a son credo : « L'avenir de l'architecture n'est pas dans l'architecture. » En clair, pour réussir à l'étranger, il faut davantage comprendre l'évolution sociale et économique du monde plutôt que d'aller voir dans les revues d'architecture de quoi est faite l'actualité architecturale du moment. « Sortez de vos agences, vous y trouverez forcément la personne idoine pour mener à bien un projet, que ce soit un sociologue, un acousticien, un urbaniste, dans tous les cas un professionnel en phase avec son milieu et à même de le traduire dans une réalité technique probante. »

Aborder les concours à l'étranger et notamment en Chine apparaît pour Laurent-Marc Fischer comme un enrichissement, une ouverture qui rejaillit nécessairement sur les pratiques professionnelles, sachant que chaque concours nécessite de séduire la maîtrise d'ouvrage en ayant un fonds conceptuel fort. Et donc une bonne connaissance du milieu.

Des projets européens

Pourtant, construire à l'étranger s'avère souvent synonyme de déconvenues et d'atermoiements de longue durée, et pas seulementen Chine. Car Architecture Studio a participé à de nombreux concours plus proches de nous en Europe. C'est le cas d'un centre hospitalier universitaire à Zabzre en Pologne, un projet non fini et repris par l'agence pour mener à bien la construction d'un ouvrage de 180 000 m². Faute d'argent, le chantier est à nouveau à l'arrêt depuis bientôt trois ans et les quelques m² de façades banchées depuis lors auront probablement marqué la fin de l'opération. A Tirana en Albanie, l'agence a été mise à contribution pour conduire une réflexion sur l'aménagement du centre ville, aux côtés d'un sociologue. Fixant des règles d'urbanisme permettant d'édicter des pratiques de la ville en phase avec des notions d'espace public et d'espace privé absentes du vocabulaire de la ville, il s'est également agi de repeindre un certain nombre de façades du centre-ville. « Nous avons joué sur le très long terme - les règles d'urbanisme - et le très court terme - repeindre des façades. Dans les deux cas, il fallait apporter une vision d'une ville qui ne tombe pas dans le laisser-aller en matière architecturale et urbanistique », précise Laurent-Marc Fischer. En cela, l'informatique via les outils de simulation et de modélisation s'est montrée d'une aide précieuse. Et pas seulement sur les gros projets à l'étranger, comme le montre l'exemple du collège vosgien de Mirecourt, où la mise en œuvre de larges volumes de bois massif a été facilité par la modélisation "à la découpe" de l'ouvrage.

La Chine, pays de toutes les surprises

La Chine, où Architecture Studio fait aujourd'hui une grosse partie de son chiffre d'affaires, fait partie, dixit Laurent-Marc Fischer, de la zone dite "des concours particuliers", un euphémisme pour exprimer la difficulté à s'adapter aux mœurs locales. C'est le cas du projet du site de l'Exposition Universelle de Shanghai. « Nous avons été retenus comme architectes officiels de l'opération, explique Laurent-Marc Fischer, mais le projet ayant été tellement remanié, redécoupé et revu, on ne sait plus bien ce qu'il deviendra au final. Pas plus que nous n'avons d'idée sur son utilisation post exposition. Reste que nous demeurons à la tête du projet, même si celui ci ressemble de moins en moins à la copie originelle. »

Chine toujours, où l'agence avait gagné un concours pour reprendre la construction d'un IGH non terminé depuis des années. En moins d'un mois, les plans d'exécution ont été dessinés, à partir de simples esquisses rendues par l'agence, la dépossédant du même coup de son projet mais surtout l'obligeant à respecter à la lettre ce qui avait été ébauché en le rendant techniquement viable. L'ingénierie étant en Chine comme ailleurs à l'étranger ce qui souffre le plus, charge à l'agence d'aller trouver en France le bureau d'études idoine pour l'épauler dans ses projets. Ce qu'elle a fait par exemple pour la construction du siége social de la société Wison Chemical à Shanghai. « Les pratiques de travail sont fatalement très différentes en Chine, explique Laurent-Marc Fischer, avec des compétences qui ne se trouvent pas forcément là où on les attend le plus. » Pour Wison Chemical, « l'enrobage des espaces intérieurs est par exemple poussé à son paroxysme, avec des faux plafonds très épais mais par contre extrêmement bien finis. C'est aussi le cas du calepinage, conduit exactement comme nous l'avions préconisé. Par contre, nous avons eu sur ce projet davantage de difficultés sur le lot structure, là où les compétences sont moindres. Dans tous les cas, et cela vaut pour l'ensemble des pays dans lesquels nous remportons des concours, il faudra jongler entre les savoir-faire locaux et les compétences techniques que nous pouvons apporter, grâce notamment aux outils 3D. »