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L'Art et la manière

Quai Branly - Architecte : Jean Nouvel

Leurs structures et leurs lignes inattendues parlent pour eux : l'architecture du XXIe siècle dédiée à la conservation et l'exposition des objets d'art est en quelque sorte une architecture "exploratoire". Des formes et des prototypes architecturaux jamais vus mais rendus possibles par les nouvelles technologies alliées à une toute nouvelle gamme de matériaux. De quoi défouler l'imagination des architectes... à condition que ces projets répondent à des critères de faisabilité, de conservation et de visibilité des œuvres, de confort des usagers et de sécurité... Rien de moins ! C'est là qu'intervient le CSTB. Comme le résume Daniel Sancho qui travaillait pour l'EMOC (Etablissement public de Maîtrise d'Ouvrage des travaux Culturels) au moment de l'étude de la galerie Walter Guillaume, à l'Orangerie et qui a également fait appel au CSTB pour le Grand Palais : « Parce que le CSTB sait répondre quand les préoccupations, les interrogations, se font complexes et pointues. » L'offre du CSTB balaie tous les domaines possibles d'intervention.

Revenons au Grand Palais. Daniel Sancho explique : « Notre souci, dans des volumes si atypiques, était le suivant : en cas d'incendie, comment le Grand Palais risque-t-il de s'enfumer ? Selon les différents types de sinistres, quels seraient les mouvements d'air ? Faut-il prévoir des normes de désenfumage particulières ? » L'étude du CSTB a démontré que non...

A Turin

Autre interrogation à Turin, sur le toit de la célèbre usine Fiat, là où a été construite la pinacothèque : comment la neige, abondante ici en hiver, se comportera-t-elle une fois tombée sur les pare-soleil conçus comme des panneaux de verre ? Se déposera-t-elle en manteau ? Va-t-elle glisser, fondre, geler ? Sophie Moreau, en charge de la thématique Ambiance, confort et sollicitations climatiques au sein du CSTB, explique : « Nous avons fait des essais grandeur réelle sur prototypes. Ce qu'il y a de fascinant, c'est qu'on en apprend tous les jours. En l'occurrence que la neige s'accroche partout ! Quand le verre est froid même en cas de pente forte, elle ne tombe pas. »

A Metz

Même type de questionnement à Metz où seront "délocalisées" des œuvres du centre Pompidou. Imaginez une très belle architecture en bois et une couverture en forme de chapiteau avec une toile enduite de matériaux composites. Mais comment ce toit pas comme les autres se comportera-t-il en cas d'importante charge de neige ? Une simulation en soufflerie climatique sur une grande maquette au 1/20e a permis de répondre et de faire les ajustements nécessaires.

A Paris, quai Branly

Direction Quai Branly, vers le musée du même nom. Au programme parmi d'autres points : étude de l'ensoleillement à l'intérieur du bâtiment, en tenant compte de l'environnement direct et étude de l'éclairage naturel - le bâtiment étant très vitré. L'utilisation d'un logiciel interactif qui intégrait des modes de calculs spécifiques et proposait un paramétrage exhaustif (ex : taux de transmission des vitrages extérieurs selon la météo...) a fourni à l'équipe de la maîtrise d'œuvre les éléments dont elle avait besoin pour viabiliser le projet. Heureusement... A l'étude, en effet, est apparu que la lumière était près de 100 fois trop élevée, provoquant des reflets et des contre-jours constants, dangereux pour les œuvres, inconfortables pour les visiteurs.

Et au Jardin des Tuileries

Enfin, dernier exemple d'intervention d'éclairagistes mais aussi de thermiciens du CSTB à l'Orangerie. C'est le cas de Franck Leguillon qui a étudié la verrière surplombant la longue galerie de la collection Walter Guillaume. Il précise : « La particularité de cette galerie est double : elle est longue de 90 mètres, large de 3 et par ailleurs, quasiment horizontale. » Le risque ? Que dans ce contexte, les vitrages feuilletés soient particulièrement sensibles à la montée en température - c'est-à-dire, que leurs propriétés mécaniques soient fragilisées (apparition de bulles, par exemple). Autre souci : « Il fallait aussi vérifier les joints de scellement au niveau des différents éléments du vitrage. Là encore, il s'agissait de vérifier que le mastic résisterait à de hautes températures, sous peine de provoquer de la buée sur les vitres. » Plus grave : les risques de "casse thermique" : « De trop grands écarts de températures, de jeux d'ombre et de soleil, en différents endroits mais sur une même surface vitrée, peuvent à terme fissurer le verre... » Une étude thermique par simulation numérique a mixé les éléments suivants : rayonnement solaire maximal, caractéristiques énergétiques et mécaniques des différents matériaux envisagés, environnement, saisons, météo et même, système de stores. Le risque d'échauffement étant avéré, de nouvelles pistes ont pu être proposées : pose de vitrage plus absorbant, changement de caractéristiques des stores, etc.

Coup d'oeil aux Nymphéas

Enfin, gagnons l'univers de Claude Monet et la galerie des Nymphéas, avec un enjeu de taille : trouver l'éclairement idéal pour cette série de chefs-d'œuvre. Michel Garcia résume : « Il fallait une uniformité, une homogénéité verticale d'éclairement, l'éclairage naturel des toiles étant trop abondant. » La coque translucide prévue comme coque protectrice et révélatrice des œuvres a encore été testée par simulation numérique mais surtout, en réel. Le résultat ? Exceptionnel... Pour s'en convaincre, rendez-vous à la galerie des Nymphéas.

Quai Branly - Architecte : Jean Nouvel
Musée de l'Orangerie - copyright : JC Ballot/EMOC. Musée de l'Orangerie Paris Mai 2006
Grand Palais - copyright : Patrick Tourneboeuf/Emoc/Tendance floue