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Précarité énergétique : du mal-logement au mal-être

Souvent méconnue du grand public, la précarité énergétique résulte à la fois d’un manque de ressources du foyer et d’un logement inadapté, car mal isolé, mal équipé ou encore soumis à des charges trop élevées. L’augmentation du coût de l’énergie ainsi que le Grenelle 2 ont favorisé l’émergence d’une réflexion afin de prévenir ce phénomène. Dans le cadre d’un appel à proposition lancé par le PREBAT (Programme de Recherche et d’Expérimentations sur l’Energie dans le Bâtiment) et financé par l’ADEME et le PUCA, le CSTB a réalisé une enquête auprès de ménages en précarité énergétique. Son objectif : caractériser le phénomène de précarité énergétique et appréhender les leviers publics et privés pour le prévenir.

Une démarche expérimentale pour aller plus loin

Contrairement à une idée reçue, la précarité énergétique ne concerne pas seulement les occupants ne payant pas leurs factures. Elle touche de nombreux ménages en situation d’inconfort thermique, qui se restreignent ou utilisent des chauffages d’appoint. L’enquête sociologique menée par Isolde Devalière, sociologue au CSTB, a été réalisée auprès de 40 foyers dans le Pas-de-Calais et l’Indre-et-Loire. « Le choix de ces deux territoires n’est pas le résultat du hasard. L’Indre-et-Loire avait d’ores et déjà mis en place des dispositifs très avancés sur le sujet et le Pas-de-Calais, l’un des départements les plus pauvres et froids de France, permettait d’introduire les variables économique et climatique au sein de l’étude, » précise-t-elle. Un comité de pilotage a été mis en place dans chacun de ces départements, regroupant le Conseil Général, les responsables des services Habitat-Logement, les Fonds Solidarité Logements (FSL – fonds d’aide aux impayés), ainsi que des thermiciens et fournisseurs d’énergie. Des travailleurs sociaux, associés au projet, ont identifié les ménages étant en situation de précarité énergétique ou d’inconfort thermique. L’enquête consistait en des entretiens individuels à domicile, sur un certain nombre d’indicateurs (situations professionnelle et personnelle, rapport au logement, au confort, perspectives de mobilité…), ainsi que d’un diagnostic thermique simplifié. « Les 40 ménages présentaient des caractéristiques très différentes. Nous avons essayé de voir les grandes différences entre ces deux départements et d’identifier les profils dominants, » explique Isolde Devalière.

Des dispositifs à mettre en place

Les résultats ont permis de dégager quatre profils dominants en fonction du rapport au logement et au chauffage, selon la capacité de changement et le niveau de confort requis par les ménages (voir encadré).

Des dispositifs adaptés doivent être mis en place, renforcés, rendus plus accessibles, mieux relayés par les collectivités territoriales. Il s’agit, d’une part, d’améliorer le repérage des ménages, notamment à partir d’un suivi des Fonds Solidarité Logements octroyés par les Conseils Généraux aux ménages en impayés, puis de développer sur l’ensemble du territoire national des fonds sociaux d’aide aux travaux qui permettent la rénovation du bâti, des aides au règlement des factures d’énergie, toutes énergies confondues…

D’autre part, il semble nécessaire de faire appliquer les droits, comme celui des tarifs sociaux directement sur les factures énergétiques des foyers éligibles, sans les faire passer par la constitution de dossiers souvent dissuasive. Aujourd’hui, seulement un éligible sur deux en est bénéficiaire. Afin d’éclairer et de mieux prévenir ce phénomène, il y a la nécessité de créer un Observatoire national de la précarité énergétique dont le CSTB a réalisé l’étude de faisabilité qui constituera la trame du dispositif d’observation inter-partenarial à venir dès 2010.

Quatre profils types

  • Confort convenable au risque d’un impayé (problème économique). Les températures sont convenables au risque d’impayés de factures (confort requis malgré des ressources insuffisantes). Il s’agit de personnes âgées ou ayant des problèmes de santé qui ont une maîtrise sur le chauffage (température constante, contrôlée).
  • Confort recherché et restriction (problème d’usage). Le ménage est économe et recherche un confort minimal, pas forcément obtenu, grâce un « système D » : modulation de chauffage en présence d’un tiers ou d’enfants en bas âge, calfeutrage. Le taux d’effort énergétique est plus élevé que pour les autres profils.
  • Tentatives de confort par appoint (problème de bâti). La lutte contre l’inconfort se fait par le biais de chauffages d’appoint dans des logements mal isolés, dotés d’équipements mal adaptés. Les occupants ne peuvent pas envisager de solutions de rénovation durables et efficaces, faute de moyens financiers.
  • Rejet du logement (problème de précarité économique et sociale). Les occupants subissent l’inconfort et sont impuissants face à la situation. Ils se sentent mal dans leurs logements et se désinvestissent (isolés, problèmes sociaux et économiques dominants). Ces ménages fuient leur logement comme l’atteste l’importance du poste carburant dans leur gestion budgétaire.