Emmanuelle Colboc : "Construire, c’est toujours faire un lien"
"On est loin de l’époque où il y avait unicité du lieu et de la matière, constate Emmanuelle Colboc. Loin de ces architectures magnifiques, où aucun architecte n’avait jamais tracé un seul trait." Aujourd’hui, la performance, c’est aller vite. "C’est de fabriquer avec intelligence un ensemble complexe et souvent contradictoire." Pour l’enseignante de l’école de Paris-Belleville, le savoir-faire de l’architecte consiste à offrir le plus rapidement possible des lieux de convivialité avec justesse et efficacité. Au-delà de l’écriture et de la charge stylistique d’un bâtiment, "on retiendra la pertinence de sa volumétrie par rapport à l’espace public, ou la pertinence de son échelle par rapport à ce qui est déjà là. Construire, c’est toujours faire un lien."
L’architecture, un lien humain
Vers plus de précision
Cette appétence pour l’architecture habitée - et non pas seulement habitable - la conduit naturellement à réaliser de nombreux programmes de logements sociaux, où les articulations sont si nombreuses et si difficiles à mettre en œuvre. Pour celle qui s’astreint à donner des qualités à chaque appartement sans en sacrifier une petite part au bénéfice du plus grand nombre, ce type de programme devient nécessairement le plus exigeant qui soit. "On ne peut pas faire d’effet de mode, on ne peut pas tricher avec un immeuble de logement. Le logement, c’est de la précision." Cette exigence produit quelques perles rares, comme l’opération résidentialisée de la cité des 4000 à la Courneuve.
Mais ce souci de la précision, voire du détail, ne signifie pas une architecture percluse d’anecdotes et d’intentions qui ruineraient l’usage lui-même, aux antipodes de ces duplex façonnés en demi-niveaux à Paris-Bercy, où les terrasses privatives s’installent comme une évidence sur les toits de l’immeuble collectif. "L’architecte ne doit jamais aller trop loin. Il ne doit pas apporter trop d’éléments. Sinon, il finit par agacer et par limiter la pérennité de l’espace."