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Une façade marbrée pour l'Alcazar de Marseille

La nouvelle bibliothèque de Marseille devait originellement être accueillie selon le souhait de l'ancien édile de Marseille Robert Vigouroux dans les murs de l'ancien hôpital de l'Hôtel Dieu, vide lui aussi depuis des années. Ce sera en définitive l'ancien music-hall qui aura eu la préférence de l'actuel maire de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, qui posa la première pierre de l'édifice en mars 2000.

Après le ralentissement du chantier dû à des fouilles archéologiques qui auront permis in fine de mettre au jour des canalisations et des vestiges d'un aqueduc romain, le chantier pouvait véritablement être lancé. Pour veiller à une bonne insertion dans l'existant, l'ouvrage assure un respect des proportions des bâtiments environnants. A l'intérieur, une large allée éclairée par une verrière traverse l'édifice afin de permettre aux lecteurs d'accéder aux différentes fonctions des quelque 18 000 m² de surface utiles (sur un total de 21 000 m²) de la bibliothèque, notamment à ces 230 postes informatiques et à ses 1700 places assises.

Préserver la façade classée de l'ancien music-hall

Impératif de taille pour la maîtrise d'œuvre : préserver et ce conformément à la demande de l'architecte des bâtiments de France (ABF) la façade classée de l'ancien music hall érigé en 1857 et qui accueillit en son temps des artistes tels qu'Yves Montand, Maurice Chevalier ou encore Aristide Bruand. C'est dans le même esprit de respect de la mémoire des lieux qu'a été déposée, restaurée puis réinstallée la marquise de l'Alcazar, une structure métallique emblématique du music-hall et qui aujourd'hui surmonte intelligemment la porte d'entrée de la plus importante bibliothèque de lecture publique de la région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur).

Notons également que la tuile canal en toiture ainsi que la mise en œuvre d'une façade marbrée s'affichent aussi comme les signes largement visibles de la mise en œuvre de matériaux de construction en phase avec l'architecture de la région.

Une façade translucide agissant comme mur écran pare soleil

Le projet des architectes parisien Fainsilber et marseillais Rogeon réintégre ainsi la façade classée de l'ancienne salle de spectacles sur les cotés latéraux de l'ouvrage. Entre ces pierres sauvegardées se donne désormais à voir une façade double peau vitrée qui apparaît comme un véritable prouesse technique. La société Fiberstone, fabricant de pierre en éléments composites, a travaillé main dans la main avec le poseur, le cabinet Alquier, lesquels ont déposé conjointement une demande d'Atex pour le caractère non traditionnel d'une façade « marbrée » en VEA (verre extérieur attaché) située en avant du mur rideau. L'Atex a porté tout à la fois sur le produit en lui même (le complexe marbre-verre), sur les conditions de mise en œuvre ainsi que sur les fines rotules de 40 mm créées pour cette opération.

Cette façade translucide en avant du mur rideau en VEC (verre extérieur collé) agit avant tout comme un véritable brise soleil, filtrant les rayons du soleil en renvoyant efficacement la lumière à l'ensemble des salles de lecture, tout en assurant une fonction de refroidissement passif de l'ouvrage, fonction intrinsèquement demandée aux dispositifs traditionnels de protection solaire extérieure. Cette façade agit comme un écran qui évite également que le mur rideau soit totalement ouvert sur la rue et laisse voir l'intérieur de l'ouvrage, une volonté largement exprimée par la maîtrise d'œuvre.

Autre avantage de la façade marbrée : le marbre (matériau très fragile) placé face intérieure ou en sandwich entre deux verres est protégé de la pollution atmosphérique, des graffitis (même si c'est moins le cas ici puisque les premiers éléments verriers sont posés à 3 mètres de hauteur), des brouillards salins, permettant ainsi de répondre intelligemment à la problématique d'encrassement et de salissures des façades traditionnelle en pierre. « Dans cette technique, le verre extra blanc permet de renforcer la pierre, dans le même temps qu'il évite de modifier la teinte du matériau, explique Olivier Faura de la société Fiberstone. Généralement, l'épaisseur traditionnelle d'un marbre posé en façade est de 3 cm car se pose toujours le problème de fragilité du matériau. En renforçant grâce au verre notre plaquage en marbre, nous pouvons ainsi mettre en oeuvre des feuilles de 4 mm qui permettent ainsi d'assurer la translucidité du panneau sandwich, et dès lors d'assurer l'éclairage naturel du lieu ».

Un panneau sandwich enserrant une feuille de marbre de 4 mm

Les panneaux en verre sont composés d'un sandwich verre extra blanc trempé de 8 mm d'épaisseur, d'une couche de résine époxy de 1,5 mm, d'un marbre de 4 mm d'épaisseur, d'une nouvelle couche de résine époxy de 1,5 mm et enfin d'un verre extra blanc trempé épais de 10mm. L'ensemble des 153 panneaux de 2,20 X 1,20 m en moyenne (les plus grands ayant des dimensions de 2,60 X 1,40 m, pour un poids de 58 kg au m²) est monté en système VEA avec quatre fixations inox affleurantes.

Les marbres sont appareillés à livre ouvert 4 par 4, ce qui permet d'assurer un bon suivi des veines et une régularité esthétique des panneaux. Le principe est de rendre les panneaux de marbre translucides et de jouer sur les effets de lumière et de veinage par un éclairage naturel ou artificiel. Ainsi que le résume la société Fiberstone, « les intérêts de cette technique sont complémentaires : créer une façade lumineuse dans le même temps qu'elle est décorative, former une paroi filtrant les rayons du soleil, tout en diffusant une lumière douce et chaude, et enfin utiliser la résistance mécanique du verre pour supporter les 4 mm de marbre. Les technologies Fiberstone sont des concepts décoratifs permettant d'utiliser la pierre dans des conditions techniques, des applications et des formats où la pierre traditionnelle de 2/3 cm d'épaisseur trouve ses limites ».