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Musiques au coeur de la ville

Trente ans que la ville de Fontaine attendait cela, trente ans qu'une réserve foncière était inscrite au niveau du plan d'occupation des sols (POS, désormais PLU, plan local d'urbanisme) pour le développement d'un équipement de ce type. Contre toute attente, le déclencheur de ce projet se nomme tramway, un formidable outil de désenclavement urbain mais qui entraîne parfois avec lui des « dommages collatéraux » sur le péri-urbain.

L'attractivité du centre ville de Grenoble, le déficit de centralité d'une commune comme Fontaine, ce moyen collectif de transport rapide et propre n'a malheureusement fait que les accentuer. Pour arrêter l'hémorragie d'une ville qui par ailleurs enregistre un solde migratoire négatif depuis plus de 25 ans, l'idée de construction d'un complexe culturel s'est précisée. Il faut dire que la ville n'avait rien vu construire de cette importance depuis 30 ans, d'où le site géographique emblématiquement choisi : en cœur de ville, à un jet de pierres de la mairie, en lieu et place d'une ancienne confiturerie de la société Cémoi.

Une offre culturelle spartiate

Le décompte des équipements culturels présents dans une commune à la forte tradition ouvrière laisse voir un retard notoire: la bibliothèque municipale construite dans les années 80 demande une mise à niveau d'urgence de ces équipements, l'école de musique installée dans un ancien gymnase au second étage d'une école montre des heures d'ouverture contraignantes dépendant des horaires scolaires. Quant à la Maison des jeunes et de la culture, elle est logée dans des locaux en désaccord avec le bon fonctionnement de ses activités. Ce constat de sous équipement, couplé à l'insuffisance sur l'agglomération grenobloise de salles de spectacles (principalement sur la rive gauche du Drac), trouve alors un écho particulier dans ce projet qui non seulement permettra de satisfaire les besoins locaux mais aussi d'attirer un public non résident.

Acte urbain, culturel, mais aussi politique que cette « plate forme homogène ». Pour la ville de Fontaine, maître d'ouvrage de l'opération qui s'exprime dans le cahier des charges de la consultation de maîtres d'œuvre, il s'agit de « mettre en place une politique de la culture qui vise principalement à développer et à démocratiser les pratiques artistiques et culturelles des habitants de Fontaine, et à démocratiser l'accès à la culture. L'offre culturelle s'est sensiblement accrue dans le pays sans que l'accès à la pratique artistique et l'accès à la culture se démocratisent : la Ville de Fontaine, s'appuyant notamment sur la richesse des associations musicales, institutions culturelles, sur l'école municipale de musique, veut poursuivre une politique ambitieuse de démocratisation en s'inscrivant dans un mouvement offrant une place grandissante à la création artistique ».

Un joyau urbain élevé sur un promontoire

L'architecture du projet symbolisera t'elle cette généreuse idée d'ouverture et d'humilité ? L'ouvrage accueilli sur une parcelle dont il consomme tout l'espace, traité en façade haute avec du bardage inox, composé d'une entrée monumentale surplombée d'une large façade vitrée, inséré dans un tissu urbain constitué d'immeubles de hauteur modeste, se veut d'après la définition donnée par le maître d'œuvre un « joyau urbain ».

Pour Gilles Perraudin, l'architecte mandataire de l'opération fontainoise, il s'agissait ainsi de créer une « forme singulière et unique et de la magnifier en la surélevant par rapport à la ville ». Le terrain, desservi par trois voies d'importance que sont l'avenue Lénine, l'avenue Aristide Briand et la rue de la Liberté, est justement propice à la mise en valeur scénographique de cet ouvrage culturel et au repérage immédiat de sa fonction institutionnelle. D'où une plate forme urbaine réunissant l'ensemble des programmes à contenu pédagogique, tout à la fois « présentoir », socle et faire-valoir d'un auditorium qui se veut l'élément emblématique du projet, ces deux niveaux étant reliés par un vaste hall à façade de verre tout hauteur.

La plate-forme vient affirmer son lien avec la ville grâce à de larges escaliers qui prolongent la terrasse du socle. Parvis urbain, ce socle est traité en éléments de pierre brute assemblés en treillis minéral afin de le protéger des détériorations éventuelles. Il répond à la grande salle de concert qui le surplombe qui pour sa part est bardée d'acier inox, pour mieux signifier sa préciosité et son rôle de phare urbain.

Le programme de 2300 m² de surface utile est constitué de 5 pôles : le pôle accueil d'une surface utile de 422 m² qui permet l'accès du public aux salles de spectacles et distribue l'ensemble des autres pôles, comprenant également une cafétéria ainsi qu'un lieu d'exposition, le pôle studios et salles banalisées d'une surface utile de 658 m2 qui accueille les salles de travail pour les pratiques de groupes et les lieux d'enseignement, comprenant une salle des professeurs et une bibliothèque multimédias, le pôle espaces multifonctions d'une surface utile de 907 m² comportant deux salles de spectacles (l'auditorium de 450 places et une salle de 120places assises) pour l'accueil de spectacles généralistes de musique, théâtre et danse, le pôle plateau des résidences d'une surface utile de 90 m² pour l'accueil ponctuel ou de longue durée d'une activité artistique pour une capacité de 1 à 10 personnes, et enfin le pôle management d'une surface utile de 132 m² surtout formé de bureaux. La démolition de l'actuelle confiturerie qui ne possède aucune valeur architecturale particulière libérera une emprise foncière de 1564 m², qui sera étendue à 2000 m² après le « redressement » d'une partie de l'avenue Lénine, avec un bâti qui viendra s'installer en totalité sur la parcelle dédiée.

Un projet environnemental dans une région malade de la voiture

Développer et conforter la centralité, assurer une interaction entre les différents publics (usagers et artistes) grâce à une synergie entre les différents éléments du programme (pédagogie, recherche, lieu de production culturelle), démocratiser l'accès à la culture, la maîtrise d'ouvrage avait été très claire sur tous ces points. Elle note aussi que son choix s'est porté vers un projet où « la démarche haute qualité environnementale est très approfondie en terme de réflexion sur la volumétrie, les matériaux, l'énergie solaire, le confort thermique ». Il faut dire que dans la région grenobloise, la problématique du respect de l'environnement est bien ancré. Ainsi que l'explique Christophe Perdreau, chargé de la conduite d'opérations aux services techniques municipaux de la ville de Fontaine, « ce n'est pas un hasard si plusieurs lauréats de l'appel à projets de l'Ademe sont des villes de la région. L'économie est ici fortement liée à la montagne, à ce que j'appellerai la « culture d'agrément local ». Mais l'agglomération et notamment Grenoble se sont étendues en longueur en raison d'une géographie contrainte par les trois massifs montagneux qui l'enserrent, entraînant une fragilisation du milieu en raison de l'augmentation du trafic automobile le long de la vallée. L'influence néfaste du transport a participé à la naissance d'une sensibilité politique attentive à la problématique environnementale, notamment en matière de construction ».

Pour le projet fontainois, la maîtrise d'ouvrage a insisté auprès des équipes lauréates sur un certain nombre d'objectifs, « guideline » de la démarche HQE : « concevoir un projet avec une identité forte pour la ville, réduire les besoins et les consommations énergétiques, gérer de manière efficace l'entretien et la maintenance en intégrant des équipements fiables et facilement repérables/remplaçables, assurer une qualité optimale en concevant des espaces intérieurs confortables et sains ».

De l'utilité de l'appel à projets comme cadre de travail

L'ouvrage de Gilles Perraudin est celui qui semble avoir le mieux répondu à cette énumération d'exigences, même si une inquiétude demeure encore aujourd'hui sur la façade de verre qui demande encore un certain nombre d'éclaircissements s'agissant de sa mise en œuvre mais aussi pour la réponse qu'elle donnera en matière de confort thermique et de gestion de l'énergie.

Relation harmonieuse du bâtiment avec son environnement immédiat (en raison de son dessin si particulier), gestion de l'énergie (objectif de consommations de chauffage fixées à 45 kWh/m² utile/an), gestion de l'entretien et de la maintenance (notamment la durabilité des matériaux en raison de la fréquentation par un public nombreux-jusqu'à 1 300 personnes en même temps-et hétéroclite ), confort hygrothermique (pas de climatisation, ventilation nocturne forcée, température dans les bureaux limitée à 16 degrés en période d'inoccupation courte), et acoustique (l'ouvrage sera étanche vis-à-vis de l'extérieur-notamment des vibrations solidiennes dues au tramway-grâce notamment à la grande salle montée sur ressorts tandis que l'isolation entre les locaux évitera toute interférence) sont en notation « cibles très performances ». Chantier respectueux de l'environnement, confort visuel et olfactif ainsi que qualité de l'air sont prévues en « cibles performantes », le reste en cibles de « base ».

Dans sa notice de présentation, Gilles Perraudin, détaillant par le menu les moyens techniques de se conformer à la cible « économie d'énergie », parle notamment d'une moquette métallique solaire qu'il décrit ainsi : il s'agit d'un « système de capteur solaire constitué d'une plaquette métallique en métal de grande conductivité sur laquelle sont soudés des tubes de petits diamètres comme capillaire. Cette moquette repose sur une couche d'isolation rigide pour diminuer la perte thermique jusqu'au niveau adiabatique ». De jour, cette moquette métallique absorbe de l'énergie solaire, échange de la chaleur d'une part avec l'air extérieur par le mode de transfert convectif et d'autre part avec la voûte céleste par le mode de transmission radiative.

Pour la ville de Fontaine, ce projet de multi-pôles musical va au travers de l'appel à projets de l'Ademe trouver un cadre de travail. Mais il se veut aussi un relais de communication pour signifier que la haute qualité environnementale est solidement ancrée dans la tête des élus. Restera au public à entendre cette petite musique.

Calendrier

  • Décembre 2002 : concours
  • Mars 2003 : désignation du lauréat : Gilles Perraudin
  • Décembre 2003 : avant-projet simplifié (APS)
  • Janvier 2004 : avant-projet détaillé (APD)
  • Septembre 2004 : phase dossier de consultation des entreprises (DCE)
  • 1er semestre 2005 : début des travaux
  • 1er semestre 2006 : livraison de l'ouvrage

Fiche technique

  • Maîtrise d'ouvrage : ville de Fontaine (38)
  • Maîtrise d'œuvre : Gilles Perraudin, architecte DPLG mandataire
  • Assistance HQE auprès de la maîtrise d'ouvrage : Trivalor
  • BET Fluides-HQE : Nicolas Ingénierie
  • Budget prévisionnel : 4,6 millions d'euros HT comprenant la démolition de la confiturerie Cémoi présente sur le site