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Des revêtements autonettoyants et dépolluants à l'étude

Des villes moins sales et moins polluées ?

PICADA s'inscrit dans le programme européen baptisé Competitive and Sustainable Growth (croissance durable et compétitive) du 5ième PCRD de la Commission européenne. Sa fonction est parfaitement définie : concourir à l'effort général en faveur de villes plus vivables. Lancé en janvier 2002, le programme PICADA prendra fin en 2005 et coûtera 3,4 millions d'euros, dont 1,9 million d'euros pris en charge par la Commission européenne.

Ce programme de recherche réunit le cimentier italien (Italcementi), un fabricant de dioxyde de titane anglais Millenium, deux centres de recherche grecs spécialistes de la pollution de l'air NRCS Demokritos, Université Aristotes de Thessalonique, un spécialiste danois du béton Dansk Beton Teknik, et le CNR ITC italien, équivalent du CNRS en France. PICADA est coordonné par le français GTM Construction (filiale du groupe VINCI) avec l'appui scientifique et technique du CSTB, notamment pour ce qui concerne l'évaluation et l'optimisation des performances des systèmes. Son objectif à court terme est très précis : mettre au point une gamme d'enduits de façades et de revêtements transparents incorporant un système ayant des propriétés autonettoyantes et dépolluantes.

Parallèlement à ce projet, il faut noter que le groupe sidérurgique Arcelor conduit de son côté son propre programme de recherches sur les capacités autonettoyantes des aciers prélaqués mis en œuvre en façade (voir encadré).

Le CSTB sera pour sa part chargé de l'évaluation des revêtements de façades, mortiers et enduits dans leurs performances, leurs aptitudes à l'emploi et leur durabilité. « Le CSTB agit ici dans un souci d'accompagnement de l'innovation, note Robert Copé, directeur adjoint de la R&D. Nous n'agissons pas seulement comme un organisme qui valide a posteriori les performances des produits qui lui sont soumis mais aussi comme un promoteur d'innovation. PICADA, c'est aussi l'occasion pour nous d'affirmer que la qualité d'aspect d'un ouvrage doit être considérée comme une caractéristique fonctionnelle au même titre que la thermique ou l'acoustique ».

Les vertus reconnues du dioxyde de titane

On connaissait déjà les propriétés de photo catalyseur particulièrement intéressantes du dioxyde de titane (TiO2) en matière d'autonettoyage, un matériau qui a acquis une large visibilité avec d'une part des projets architecturaux innovants menés par Italcementi (la cité de la Musique et des beaux Arts de Chambéry, l'Eglise du Jubilé à Rome et l'Hôtel de Police de Bordeaux avec à chaque fois du TiO2 incorporé dans la masse au béton) et d'autre part le lancement depuis trois ans déjà de vitrages autonettoyants par Saint-Gobain et Pilkington (avec ici le dépôt d'une couche de TiO2 sur le verre extérieur). Nouvelle donne aujourd'hui avec un autre enjeu et une « extension » des performances initiales : la dépollution. Techniquement, les schémas réactionnels sont connus : pour le nettoyage, les salissures qui se fixent à la surface sont désolidarisées de celle ci par l'action du TiO2, et ensuite éliminées avec l'eau de pluie ou à l'arrosage.

S'agissant de la dépollution, les polluants (pour le moment essentiellement les oxydes d'azote-NOx- ou le benzène) sont, au contact de la surface, transformés grâce à l'absorption du rayonnement UV, en nitrates qui sont ensuite éliminés par la matrice cimentaire de l'enduit. Le processus ne consomme pas le TiO2, garantissant ainsi sa durabilité, de même que les produits de réaction sont peu nocifs compte tenu de leur faible concentration résultante dans l'atmosphère.

Parce que le système à base de TiO2, pour être dépolluant, doit être autonettoyant (c'est à dire que le support ne doit pas être encrassé), il s'agit ni plus ni moins de trouver de nouveaux débouchés à un produit de chimie. Jusqu'à aujourd'hui, le dioxyde de titane était toujours appliqué à chaud à partir de procédés industriels et sur des surfaces neuves tels que des vitrages ou des céramiques, ou dans la masse, comme c'est le cas du ciment à effet photo-catalytique de Ciments Calcia (Italcementi Group). Le vrai challenge du projet PICADA, c'est également de développer des revêtements applicables à froid (de la même manière qu'une peinture standard) et adaptés à tous les supports, qu'ils soient en métal, en béton, en pierre, en matière plastique. Ainsi, ce revêtement bi-action (nettoyage et dépollution) devra être aisé à mettre en œuvre, adapté à tous les supports classiques, et pourquoi pas à l'avenir commercialisable sous des formes tels que mortier, peinture, revêtement translucide, une véritable révolution technologique.

Mettre au point un produit fini, garanti dans ses performances

Ainsi que l'explique GTM Construction dans un document de travail interne sur les ambitions du projet PICADA, « la première phase du travail consiste en une caractérisation d'un produit par rapport à des performances, en une optimisation de l'efficacité du matériau et en une évolution de la durabilité du matériau. La seconde phase consiste en une validation des modèles théoriques des configurations d'utilisation et en une expérimentation grandeur nature ». Ainsi que le précise Christophe Gobin de la direction de la recherche et du développement de l'entreprise, « le projet PICADA est l'exemple parfait du rôle que doit désormais jouer une entreprise générale en matière d'interface. Longtemps cantonnée au simple rôle d'exécutant de travaux, elle souhaite désormais agir comme facilitateur pour créer des produits qui soient commercialement viables, ce dans le respect des problématiques de développement durable. PICADA « cristallise » ainsi une équipe qui non seulement apporte une gamme de produits au marché mais aussi un service citoyen à la collectivité ».

Un produit testé en situation réelle

Une expérimentation sur un site pilote devrait prochainement débuter chez Ciments Calcia à Guerville en région parisienne. Il s'agira ici de créer des « rues canyons » et d'étudier les modèles de flux de pollution afin d'observer les comportements dépolluants des revêtements mis en œuvre. Dans un premier temps, les débouchés pour ce revêtement « intelligent » apparaissent d'ores et déjà considérables pour l'entretien des ouvrages en neuf comme en rénovation. Reste à en valider et optimiser les « compétences » dépolluantes puis à trouver des applications en intérieur, en traitement de l'air ou comme antibactérien au niveau des équipements sanitaires. Une prochaine étape à suivre.

Laurent Chamontin, « development manager » chez Arcelor, en charge du projet « Façades auto-nettoyantes ».

Tout comme les verriers et les cimentiers, Arcelor conduit une réflexion sur l'encrassement des façades et le coût induit par leur nettoyage. En partie verticale de certaines surfaces commerciales, les profilés en acier prélaqué sont en effet fortement soumis aux salissures, ce qui pose un véritable problème pour les gestionnaires d'installations soucieux de leur image auprès de la clientèle.

L'un des projets d'Arcelor consiste ainsi à mettre au point des tôles en acier prélaqué recouvertes d'une couche photo-catalytique, un peu à la manière du verre mais avec un substrat différent. On peut aussi penser à utiliser un type très particulier de peinture, plus ou moins sensible à l'encrassement, à optimiser sa formulation et à s'assurer du ruissellement des eaux pluviales pour l'évacuation des impuretés.

Nous travaillons par ailleurs sur une application en centrale de traitement d'air, avec la mise au point d'une sorte de « grille photo-catalytique » qui au passage de l'air agit comme surface active pour détruire les molécules chimiques indésirables. La ligne de dépôt sous vide, qui démarrera en 2005 dans notre usine de fabrication de Liége en Belgique, permettra d'accompagner le développement de ces nouveaux marchés.

Pollution et salissures, les maux de la ville

Le nettoyage des façades a un impact financier évident : l'estimation du coût annuel pour ravaler les façades à Paris est de 19,2 euros pour chaque parisien, tandis que les dépenses de ravalement de l'ensemble des bâtiments de la région Ile de France sur la base d'un tous les 40 ans sont, selon le plan régional de la qualité de l'air, de l'ordre de quelques centaines de millions d'euros par an.

Quant aux effets néfastes de la pollution sur la santé humaine (sans parler de la qualité de vie), ils ne sont plus à démontrer. A ce propos, un récent rapport de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSEE) révélait récemment qu'en 2002, près de 10 000 personnes seraient mortes en France à cause de la pollution de l'air en ville, et notamment en raison des particules fines.