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Philippe Chaix : une architecture d'ombre et de lumière

Les principes de restauration et d'extension du Petit Palais, édifié pour l'exposition universelle de 1900, désignent assez clairement les aspirations de Philippe Chaix et son matériau de prédilection : la lumière. Imaginé par Charles Girault, le Petit Palais, autrement dit le Palais des Beaux-arts de la Ville de Paris, avait été conçu pour privilégier une approche très lumineuse des œuvres d'art. Altéré au fil des décennies par des faux-plafonds, l'occultation de baies et des compartimentages, le projet de restauration devait permettre de retrouver l'esprit qui avait présidé à sa conception d'origine.

Mise en lumière

En confrontant les œuvres à la seule lumière du jour, Charles Girault avait multiplié les solutions audacieuses : éclairage en toiture, grandes baies vitrées, péristyle ouvert sur le jardin intérieur. « Charles Girault était sans doute trop transparent, trop moderne par rapport aux moyens dont il disposait pour climatiser les espaces et filtrer la lumière. Mais il existe aujourd'hui des systèmes de filtrage efficaces qui évitent la pénétration directe des rayons du soleil, assurent un éclairage homogène et respectent les règles de conservation des peintures, explique Philippe Chaix. Il fallait rendre à cet édifice sa lumière naturelle. Les visiteurs devaient pouvoir évoluer dans un espace où les œuvres de Pissarro, Sisley, ou Courbet retrouveraient leurs vraies nuances. »

Les verrières sont par exemple réapparues dans les grandes galeries. Elles intègrent à présent un système de soufflage de la climatisation et sont conçues selon un principe de double diffusion: une première peau en polycarbonate diffuse la lumière, casse les ombres et arrête les poussières, alors qu'une seconde peau en verre sablé constitue un écran homogène, se modifiant légèrement selon les variations du ciel. Au-dessus de cette double peau, une installation de stores mécaniques et un système d'éclairage artificiel dans les combles permettent de réduire l'ensoleillement excessif ou compensent le manque d'éclairage naturel les jours sombres.

Philippe Chaix apprécie les ambiances tamisées, à la lumière bien répartie. On se souvient de son tepee, structure éphémère à l'enveloppe diaphane, installée successivement au Grand Palais, près de la Bibliothèque Nationale de France, et finalement sur le parvis du centre Georges Pompidou.

Dans des contextes et avec des matériaux différents, la même sensibilité se renouvelle à Essen, pour le projet du siège social du groupe sidérurgique allemand Thyssenkrupp ou pour celui de la Maison de la Région Alsace à Strasbourg.

Les enveloppes pour préserver l'environnement

A trois encablures du Parlement européen, dans le quartier de Wacken, les bâtiments de l'Hôtel de la Région Alsace s'inscrivent dans le cadre d'une démarche HQE et dans un carré presque parfait d'une centaine de mètres de côté. Implantées selon la direction du Boulevard de Dresde, les barrettes de bureaux s'affranchissent de tout parallélisme avec les côtés du carré dans lequel elles s'inscrivent, afin d'ouvrir leurs façades principales au nord et au sud, là où les rayons du soleil sont les mieux maîtrisés pendant les grosses chaleurs d'été et les plus bénéfiques durant les hivers continentaux.

Soulignant le caractère institutionnel de l'équipement, une ombrière rassemble l'ensemble des bâtiments en une seule entité. Cette sur-toiture, plus particulièrement destinée à porter ombre sur les façades, a fait l'objet de nombreux essais en atelier afin d'étudier les effets du dispositif en lames d'aluminium perforées tout spécialement mis au point pour l'opération. Réparties précisément, les lames d'aluminium filtrent l'apport de lumière nécessaire en fonction des situations et des besoins, la perforation des lames permettant d'éviter les ombres portées trop marquées.

Le traitement de l'enveloppe des façades proprement dites n'est pas en reste : constituées d'une peau de verre protégeant les allèges en panneaux de bois, elles disposent de brise-soleil spécifiques selon les orientations. Un large brise-soleil horizontal composé de lames en aluminium laqué filtre les rayons sur la façade sud extérieure, alors que les façades est et ouest sont protégées du soleil rasant par un système de brise-soleil verticaux. Si les capteurs solaires (qui pourvoient 75% des besoins en eau chaude des cuisines) et la climatisation (assurée pour l'essentiel par des plafonds thermiques chauffant-rafraîchissant alimentés par l'eau de la nappe phréatique et une pompe à chaleur) sont les manifestations évidentes d'un projet soucieux des économies d'énergie, Philippe Chaix n'en explicite pas moins ici l'idée selon laquelle la Haute Qualité Environnementale passe par une profonde réflexion sur la nature et la conception des enveloppes. Ce qui peut se traduire par la problématique environnementale suivante : quels sont les dispositions et les dispositifs imaginables afin d'optimiser les systèmes de chauffage et de climatisation tout en continuant à produire des architectures principalement en verre très perméables à la lumière ?

Hôtel de la Région Alsace
Petit Palais
Petit Palais