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Maquette numérique de bâtiment et réglementation

La faisabilité de la numérisation des règles (accessibilité, sécurité incendie) a été démontrée au travers de plusieurs initiatives. Ainsi, il est possible de vérifier la conformité d’une maquette numérique de bâtiment par rapport à un référentiel réglementaire ou d’obtenir des listes de produits conformes pour une maquette donnée en fonction de son environnement. Les pistes de développement sont multiples, notamment dans le cadre du concept de jumeau numérique.

La numérisation des règles professionnelles n’est pas une histoire récente, les premiers systèmes experts datant des années 60. « Le principe a déjà été pensé, par des certificateurs notamment. Le problème de ces approches est le coût de la maintenance, qui est exorbitant. D’autant que les règles et les normes sont évolutives et qu’il faut alors tout mettre à jour », introduit Bruno Fies, ingénieur recherche et expertise à la direction Technologies de l’information du CSTB. Néanmoins, depuis l’avènement des technologies dites « sémantiques », la maintenance de tels systèmes peut enfin être envisagée avec des coûts plus raisonnables. Les premiers travaux ont justement consisté à s’assurer de la faisabilité du projet et à développer une méthode et une architecture qui puissent permettre de modifier certains paramètres sans remettre en cause toute la genèse. « Nous n’avons pas codé en dur dans le même endroit. Il est possible de faire des modifications sans changer les règles, via des mécanismes de gestion de la donnée », enchaîne Fadi Lahlou, chef de projet développement au sein de la direction Technique du CSTB.

Les premiers pas de la transition numérique dans le bâtiment

Selon la direction Technologies de l’information du CSTB, les travaux les plus notables dans ce domaine datent du Plan de transition numérique dans le bâtiment (2016), puis du plan BIM 2022 (2019). Il s’agissait de transcrire des contraintes réglementaires, exprimées initialement en langage naturel, en un langage numérique afin de les rendre interprétables par des machines, puis de les confronter aux maquettes numériques de bâtiments. L’idée était d’offrir aux utilisateurs, dès la phase de conception, un service pouvant aider au contrôle de la conformité de leurs maquettes Building Information Modeling (BIM) au regard de la réglementation. Les premières numérisations ont été menées sur l’accessibilité du bâtiment et la sécurité incendie, deux secteurs identifiés parce que les opportunités de marché sont importantes. Preuve de concept (POC), l’outil a été mis à disposition sur Kroqi, plateforme de travail collaboratif en BIM des professionnels de la construction.

Au-delà du contrôle de maquette numérique, cette démarche et ces technologies s’appliquent quasi à l’identique pour des services de prescription de produits. Il est ainsi possible de numériser des documents techniques unifiés (DTU) et de proposer des services de prescription de produits adaptés à une maquette BIM, présentée en entrée du système. Le concepteur pourra choisir des matériaux ou des solutions en fonction des contraintes réglementaires, contrôler dès la phase conception la conformité du projet en fonction de son environnement, voire effectuer un suivi lors du chantier. Un véritable outil d’aide à la conception.

Une maquette numérique du bâtiment évolutive

Parmi les pistes de développement, les ingénieurs de la direction Technologies de l’information souhaitent rattacher la numérisation des règles au concept de jumeau numérique, ce qui permettrait de suivre la construction du projet lors du chantier et même au-delà, lors de l’exploitation maintenance et rénovation. Cela est d’autant plus intéressant que la question de la réversibilité des bâtiments et les changements d’usage sont au cœur des enjeux. « Il serait alors possible d’envisager de passer en revue les éléments de la maquette et d’adapter le bâtiment en fonction de son nouvel usage, de faire évoluer les règles en fonction de l’utilisation du bâtiment », souligne Fadi Lahlou. Reste à trouver aujourd’hui un environnement qui puisse héberger ces règles numérisées et les mettre en valeur.

La question n’est cependant pas uniquement technologique. En effet, le verrou principal de la numérisation des règles reste l’élaboration d’un langage commun, compréhensible par tous. « Un exemple concret est celui du cheminement nécessaire pour la prise en compte de l’accessibilité. Or, la notion de cheminement n’existe pas dans la maquette numérique et n’est pas transposable telle quelle. Il a donc fallu établir des passerelles entre tous ces vocabulaires afin d’aboutir à un lexique commun », explique Bruno Fies. Cela passe par la création d’un collège, composé notamment d’architectes, d’ingénieurs chargés de la maquette numérique, de fabricants de produits et de certificateurs. Ce collège aura vocation à enrichir et à maintenir cette base de connaissances, constituée à la fois de règles numérisées et d’un lexique universel et transversal, le CSTB souhaitant rester le pilote de ce chantier.