Éditorial

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Étienne Crépon, président du CSTB

Trois mouvements vont faire bouger les lignes. La révolution numérique, l’évolution du marché du bâtiment, dont la rénovation constitue le moteur, et l’exigence de résultats vis-à-vis de l’acte de construire ou de rénover

Le secteur de la construction représente un poids économique considérable, équivalent à celui de l’automobile, mais son organisation plus fragmentée impacte sa compétitivité. Si le constructeur automobile impose traditionnellement ses choix aux autres acteurs de la chaîne de production, la construction ou la rénovation d’un bâtiment repose sur le travail complémentaire d’une chaîne d’acteurs, sans leader naturel. La performance d’une opération tient à la collaboration active des différents corps de métier dont les difficultés à partager une vision commune sont réelles. Les faibles marges commerciales témoignent d’une efficacité érodée de l’activité, quand la capacité d’innovation du secteur est soutenue par des investissements R&D faibles. Le bâtiment ne consacre en effet qu’un pour mille de son chiffre d’affaires à la recherche et au développement. Rappelons pourtant que la stratégie de Lisbonne, axe majeur de politique économique et de développement de l’Union européenne entre 2000 et 2010, avait fixé l’objectif de deux pour cent.

Le secteur de la construction en mutation profonde

Trois mouvements vont faire bouger les lignes. Le premier est la révolution numérique, qui va se généraliser, assortie d’une montée en compétences pour l’ensemble des acteurs de la maîtrise d’œuvre comme de la mise en œuvre, sur le plan technique et organisationnel. La maquette numérique va fondamentalement modifier le process de chantier. L’objectivation des problématiques créera naturellement le consensus autour d’un projet, dont le fonctionnement sera aussi moins dispersé.

Le deuxième phénomène est l’évolution du marché du bâtiment. La construction neuve était historiquement le moteur du secteur. Aujourd’hui, la rénovation contribue autant que la construction neuve à son activité. Ce transfert tend à s’intensifier avec la transition énergétique et environnementale. Si l’effort sur la construction neuve se poursuit, c’est bien la rénovation qui constitue désormais l’enjeu majeur. Elle est d’ailleurs au cœur des orientations proposées par le gouvernement. Ce glissement va participer à la transformation du secteur de la construction.

Enfin, la troisième mutation, issue des deux précédentes, est l’exigence de résultats que manifestent désormais les usagers et les clients vis-à-vis de l’acte de construire ou de rénover, et non plus l’exigence de moyens.

Sur la base de ces trois éléments, la transformation est en route. On le constate au travers de la mobilisation sur les outils numériques. Le nombre de comptes sur la plateforme KROQI a connu, en six mois à peine, une croissance de plus de 70 %. Cette plateforme publique, dont le développement a été confié au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment par le gouvernement dans le cadre du Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB), est destinée à faciliter l'accès des TPE/PME de la construction aux outils collaboratifs et au BIM. Plus de 6 000 petites entreprises ont désormais accès à la plateforme. Tous les indicateurs, quantitatifs et qualitatifs, montrent que l’adhésion aux outils numériques continue de croître et s’accélère. Ce n’est pas un engouement passager mais une mobilisation capitale des acteurs de la construction.

Le CSTB accompagne le mouvement

Le CSTB accompagne les acteurs dans ces transformations structurelles, aux côtés des pouvoirs publics. Outre l’élaboration de la plateforme KROQI, nous participons, dans le cadre de la transition numérique, à la mise en place de la numérisation des règles de construction. Pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, nous travaillons à l’industrialisation des procédés de rénovation énergétique et à l’élaboration de méthodes de vérification de la performance des bâtiments rénovés. Sans oublier nos travaux menés à l’échelle du quartier. Car les enjeux énergétiques sont beaucoup plus à l’échelle du quartier qu’à celle du bâtiment.

Le CSTB poursuit ces travaux dans la voie tracée par sa feuille de route de recherche à l’horizon 2025. Cet engagement, que le CSTB vient d’adopter, fixe nos objectifs sur chacune des grandes priorités scientifiques.

L’exigence de garantie de performance va, quant à elle, intensifier le besoin d’avis d’un tiers, expert à tous les stades de l’acte de construire. Le CSTB, notamment à l’étape du choix des matériaux et des systèmes de construction, renforce sa présence à travers son activité d’évaluateur et de certificateur. La croissance du nombre d’évaluations par le CSTB en 2017 en atteste, de même que la création de sept nouvelles applications ou extensions d’applications existantes dans la certification, lancées cette même année.

Dans une logique de service et d’accompagnement, le CSTB accentue son effort vers les petites entreprises, réservoir d’innovations en devenir. Pour soutenir les start-up, les aider à grandir, le CSTB a mis en place le CSTB’Lab. Développé avec Impulse Lab, cet incubateur accueille d’ores et déjà onze jeunes entreprises qui bénéficient toutes d’un parrain parmi les chercheurs du Groupe CSTB et sont en cours de négociation pour un partenariat de recherche.

Le CSTB soutient également la montée en compétences de l’ensemble des acteurs du secteur par le partage des connaissances. Il enrichit son offre d’éditions, de logiciels et de formations notamment autour des grands enjeux de la transition énergétique et de la révolution numérique.

Dans un monde en mouvement, les collaborateurs du Groupe CSTB ont su se mobiliser et répondre présents face à tous les défis auxquels ils ont été confrontés tout au long de l’année, que ce soit pour aider les industriels dans les transitions environnementales et numériques ou pour accompagner l’État, y compris dans les moments les plus dramatiques comme Grenfell ou les suites de l’ouragan Irma. Leur mobilisation a été sans faille.

Dans un monde global et à l’heure de la mise en œuvre des accords de Paris, ces enjeux de transformation sont mondiaux. Le CSTB veut plus que jamais poursuivre et renforcer ses partenariats à l’international. Parmi les plus significatifs en 2017, citons les accords avec Tecnalia en Espagne pour développer la certification HQE et mener des recherches sur le BIM et l’efficacité énergétique et environnementale, et le partenariat avec la Chinese Society for Urban Studies (CSUS) pour développer des villes durables en Chine.

Au cœur des transformations du secteur de la construction, ouvert sur l’ensemble du monde, le CSTB aujourd’hui comme demain se mobilise pour aider à bâtir des villes et des bâtiments plus durables et plus confortables.

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