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Anne-Sophie Douard - La parole aux professionnels

Anne-Sophie Douard

La parole aux professionnels

Anne-Sophie Douard, responsable pôle gestion des opérateurs et contrôle, direction du Cycle de l'Eau, Nantes Métropole.

Quel est votre rôle et celui de la direction du Cycle de l'Eau de Nantes Métropole ?

Je suis responsable du pôle gestion des opérateurs et contrôle, pôle en charge à la fois du suivi et du pilotage des exploitants publics et privés d'eau potable, d'eau usée et d'eau pluviale, et du contrôle des raccordements au réseau assainissement des usagers particuliers aux industriels. Ce pôle fait partie de la direction du Cycle de l'Eau de Nantes Métropole, autorité organisatrice de la politique publique de l'eau. Celle-ci intervient dans quatre grands secteurs d'activité : l'eau potable, l'eau usée, l'eau pluviale et les milieux aquatiques. Sa mission est notamment de déterminer les grands schémas directeurs qui concernent les futurs besoins en termes d'infrastructures à rénover, mais aussi à construire pour les nouveaux usagers. Dans le même temps, elle est chargée de la maîtrise d'ouvrage de ces gros travaux. Elle est aussi garante de la gestion patrimoniale et de l'exploitation de ces réseaux et ouvrages qu'elle confie à des exploitants : Veolia (eau potable) et Suez (assainissement) pour le côté privé et la Régie de Nantes Métropole (direction des opérateurs publics de l'eau et de l'assainissement - DOPEA) côté public. La direction du Cycle de l'eau s'appuie sur sept pôles de proximité qui assurent également une activité d'autorité organisatrice assainissement dans les territoires, une organisation spécifique à Nantes Métropole.

En 2019, le sud-ouest de la métropole a connu, pendant quelques mois, des apparitions de phénomène d'eau colorée. Ce problème est-il nouveau sur le réseau d'adduction d'eau potable ?

Tous les propriétaires de réseaux et exploitants d'eau potable connaissent, à un moment donné, ce phénomène qui touche principalement les réseaux métalliques non revêtus. Peu fréquent, celui-ci provient d'une modification brutale du régime hydraulique, comme l'activation d'un poteau incendie, une casse sur le réseau ou une remise en eau après travaux.

La répétition de ce phénomène d'eau colorée sur une période courte est le premier élément qui nous a alertés. Puis différents secteurs ont été confrontés à la même problématique. Cela a d'abord touché la partie Sud-Loire du territoire, puis, rapidement, la partie Nord-Loire, alors que ces deux zones sont alimentées par des eaux brutes différentes – eaux souterraines pour le sud, eaux de Loire pour le nord – traitées par deux usines différentes, puis distribuées par des réseaux différents. De plus, l'apparition de ces eaux colorées s'est produite sur des réseaux métalliques, mais aussi sur des réseaux plastiques sans que l'on puisse y associer une origine hydraulique.

Connaître l'origine de ce phénomène est bien sûr devenu une priorité, aussi bien pour la direction du Cycle de l'eau que pour les exploitants. Ces derniers ont mené de nombreuses investigations. Ils ont effectué des manœuvres sur le réseau, des modélisations, des analyses de l'eau et des études métallographiques. Ils ont aussi contacté les usagers pour effectuer des prélèvements d'eau à leur domicile lorsque le phénomène était en cours, ce qui a permis de leur fournir les résultats sur la potabilité et l'ensemble des informations dont nous disposions à l'époque sur l'origine de cette coloration. En parallèle, la direction du Cycle de l'Eau s'est rapprochée d'autres collectivités qui avaient pu connaître ces recrudescences d'eau colorée pour essayer de trouver des similitudes entre les deux situations.

Comment le CSTB vous a-t-il permis de faire disparaître ce phénomène ?

À partir des nombreuses données que nous avions rassemblées, nous avons émis quelques hypothèses qu'il était nécessaire de confirmer. C'est pourquoi nous avons contacté le CSTB. Il nous paraissait intéressant d'avoir un regard extérieur critique afin de ne pas passer à côté d'une piste potentielle.

Les experts du CSTB ont pu faire une synthèse de toutes les publications scientifiques qui existaient sur le sujet et réaliser une méthode statistique pour valider nos hypothèses. Il s'est avéré que les origines du problème étaient différentes entre le nord et le sud, malgré leur période d'apparition identique. Les deux usines étaient en travaux en même temps. Même si elles continuaient à produire de l'eau potable, les paramètres de celle-ci étaient légèrement modifiés à cause des travaux. Cela a entraîné une perturbation du biofilm à l'intérieur de nos réseaux et ainsi entraîné une mobilisation des dépôts à l'origine de la coloration. Nous avons alors mené des travaux en urgence sur les conduites métalliques non revêtues. Et quand les travaux n'étaient pas possibles dans l'immédiat, nous avons installé des systèmes de purge qui ont permis aux usagers de retrouver une eau sans coloration. Veolia, la Régie de Nantes Métropole (services usine et réseaux) et la direction du Cycle de l'Eau (pôles gestion patrimoniale, travaux et gestion des opérateurs) ont bouleversé leurs programmations et leurs plannings pour s'investir entièrement dans la résolution de ce problème. Au-delà du désagrément rencontré par les usagers, ce projet de recherche a été un beau travail collectif.

Les conclusions de ce projet de recherche ont-elles été exploitées par Nantes Métropole pour anticiper l'apparition de ces phénomènes ?

Nous avons en effet instauré une veille de certains paramètres des deux usines, bien au-delà de l'analyse de la potabilité de l'eau, qui n'est pas, dans ce cas, un indicateur pertinent.

Grâce à l'expertise du CSTB, nous avons pu bien confirmer ce qu'il s'est passé et donc mettre en place cette vigilance sur certains paramètres de l'eau en sortie d'usine. Nous avons également ajusté notre programmation : le renouvellement des réseaux métalliques non revêtus, et surtout de leurs extrémités, est devenu prioritaire.

Aujourd'hui, nous sommes revenus à une fréquence classique d'apparition d'eau colorée, habituelle avec les conduites métalliques non revêtues. Nous ne pouvons pas nous en contenter, notre objectif étant d'offrir un service toujours plus satisfaisant à nos usagers. Le travail d'amélioration est continu et nous menons en permanence des actions correctrices.

En termes de communication, l'arbre des causes présenté par le CSTB nous permet de mieux expliquer aux usagers ce phénomène d'apparition d'eau colorée. Celui-ci a été traduit pour les exploitants afin qu'ils soient, eux aussi, en capacité de leur fournir des informations claires et précises.