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La Plaine du Lys : un quartier en quête de sens

Contrairement aux apparences, Dammarie-les-Lys n'a rien d'une ville nouvelle. Elle fut petit village du XVIe siècle, avant son essor au XIXe, ce qui l'éloigne tout à fait des pôles urbains sortis après guerre des cartons des ingénieurs du Plan. L'un des quartiers - la Plaine du Lys et ses quelque 3 000 logements - a été pensé et construit à cette époque. Il donne aujourd'hui une cette fausse image de ville champignon. Ce pôle d'habitat, classé en GPRU (Grand projet de renouvellement urbain), participe très faiblement à l'environnement urbain d'une cité de 20 000 habitants.

Plus le manque d'attractivité qu'une forte dégradation

C'est en 2001 que les chercheurs du CSTB découvrent le quartier, à la demande d'un bailleur immobilier, le Logement Français, qui requiert leur aide pour conduire une mission de diagnostic et d'orientation stratégique de résidentialisation sur le quartier de la Plaine du Lys. Quelques mois plus tard, Patrice Séchet, du CSTB, et Jean-Didier Laforgue, architecte urbaniste associé, posent en préambule que « le quartier de la Plaine du Lys se distingue des quartiers d'habitat sociaux plus par son manque d'attractivité que d'une très forte dégradation. Les perspectives d'évolution ont donc été réfléchies afin de renforcer l'attractivité, d'améliorer le cadre de vie pour redonner un sens au fait d'habiter ce quartier. »

A cette première photographie des lieux et ce bilan urbain, s'ajoute la programmation d'opérations de renouvellement urbain. Cette phase est menée en 2003 sur la base d'une note de synthèse "programmation d'un renouvellement de sens urbain". Elle débouche sur un premier plan d'actions à cinq ans jusqu'en 2008. « La réhabilitation de la Plaine du Lys devait répondre à une équation complexe : comment réorganiser et transformer en profondeur l'espace urbain en démolissant le moins possible ?, explique Patrice Séchet. Casser pour redonner du sens est en effet plus facile que de se poser les véritables questions : quoi démolir, pourquoi, et remplacer par
quoi ?
»

D'où l'élaboration d'un diagnostic urbain, la recherche d'un schéma de cohérence urbaine à long terme, la mise au point d'une trame de renouvellement urbain et d'un premier plan d'actions sur la période 2003-2008.

Atouts et dysfonctionnements

La ville de Dammarie dispose d'atouts non négligeables. D'abord le site lui même, construit entre Seine et forêt de Fontainebleau, de nombreux parcs urbains, des vides prêts à être exploités et la perspective de construction d'une gare RER, pierre angulaire du développement et de la qualification de nouveaux territoires, notamment tertiaires. Mais la ville souffre de graves dysfonctionnements, parmi lesquels le zoning à grande échelle dans des quartiers vivant en quasi-autarcie urbaine (le centre ancien, la Plaine du Lys le parc de l'Abbaye…). Le centre-ville, largement sous dimensionné, fait écho à l'inexistence d'un pôle tertiaire en tant que tel. Ces handicaps s'ajoutent à un vide urbain à l'articulation avec la ville frontalière de Melun.

En 2001, l'analyse du contexte de la Plaine du Lys notait les atouts du quartier, mais assombrissait le tableau : le rapport au centre ville de Dammarie est contrarié par la structure du maillage des voiries, le quartier est coupé de la Seine par une zone d'activités, l'accès à la forêt est complexe, en raison d'une zone pavillonnaire à traverser. En définitive, « l'organisation de l'espace tend à éloigner le quartier de ces pôles d'intérêt » notait le rapport du CSTB.

Un repli du quartier sur soi

L'analyse de l'organisation interne du quartier de la Plaine montre, quant à elle, que les grands ensembles de plusieurs centaines de logements, même isolés, développent un effet de labyrinthe : embrouillamini de dalles, de passerelles, de passages traversants, et maillage de voiries aussi complexe que lâche. Résultat : des désordres qui portent non pas tant sur l'accès au quartier que sur l'accès à des lieux précis, créant ainsi un effet de nasse urbaine. « Si les taux de satisfaction sur les modes d'habiter sont relativement corrects, précise Patrice Séchet, il existe un véritable repli du quartier sur soi, un peu comme si les gens n'habitaient pas là. Le plus étrange, c'est l'absence de sentiment de sécurité des habitants dans leur logement, une donnée psychosociologique peu rencontrée dans les grands ensembles. » L'explication est probablement à trouver du côté du "magma urbain" qui empêche l'identification avec des petits quartiers particuliers,  de l'absence d'espaces intermédiaires clairement identifiés comme la rue, le jardin ou le hall. Lorsqu'on entre dans le quartier, « on ne sait pas où l'on se trouve, ni comment s'orienter, on n'est jamais sûr qu'une rue va permettre d'aller plus loin et, en tournant, on risque fort de ressortir du quartier avant d'avoir commencé à comprendre », notent Patrice Séchet et Jean-Didier Laforgue.

Résultat ? Un sentiment d'isolement et de magma urbain. Même les parties d'îlots qui vivent actuellement le mieux ne disposent pas de repères pour être autonome et se rattacher soit à un espace public différent, soit à un environnement spécifique.

Redonner du sens

"Isolement", parce que Dammarie reste dans un monde à part, de par son architecture, son organisation spatiale, ses limites redoublées ou séparatrices ; "magma", parce que tout ressemble à tout. Les sociologues du CSTB proposent des solutions. Il s'agira de créer de meilleures liaisons et continuités avec le reste de Dammarie ; de réduire l'hétérogénéité architecturale par rapport au reste de la ville ; de limiter l'effet d'uniformité en qualifiant les rues desservant les îlots avec des ambiances diversifiées ; de distinguer îlot et résidence, les îlots du quartier étant souvent surdimensionnés. En clair, il faudra améliorer l'organisation interne et renforcer l'attractivité du quartier.

Renouveler le bâti nécessite un ballet coordonné de démolitions et de constructions, sachant que le coût technique de la démolition pour l'État (qui se substitue ici au bailleur) est de 23 000 € par logement (pour 38 000 € en coût global, comprenant le logement temporaire notamment). Démolir, oui, mais dans le respect de quatre objectifs : permettre une restructuration urbaine, transformer le paysage urbain, qualifier ou requalifier certaines parties du quartier et enfin dégager des aires de redéploiement dans le quartier traité. Le tout en évitant le renforcement parfois observé ailleurs de dépressions  socio-urbaines.

Un programme sur quinze ans

Projet de liaison

« Nous avons préconisé de détruire 600 logements sur 2 800, soit 30 % du parc existant ou 10 tours sur 21, explique Patrice Séchet. Ce programme "soft" a été accepté car il est évident que la suppression d'à peine la moitié des tours du quartier de la Plaine permettra de restaurer une perception d'ensemble de la ville et notamment la considération paysagère. » La zone centrale à privilégier fera l'objet d'une restructuration lourde. Parallèlement, 70 % du bâti existant sera requalifié.

Pour l'heure, les premiers travaux ont débuté, notamment ceux des logements de transition qui serviront de lieux de "délestage" en attendant les logements "en dur". Le programme global s'inscrit dans un calendrier à quinze ans.