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Tunnels routiers : un renforcement de la sécurité

Une réglementation renforçant la sécurité et les procédures de vérification

Une circulaire pour les tunnels du réseau national

En août 2000, une circulaire interministérielle (Équipement et Intérieur), applicable à tous les tunnels du réseau routier national - concédés ou non-, d'au moins 300 mètres de long, est diffusée à tous les Préfets. Elle concerne une centaine de tunnels et met en vigueur une instruction technique qui détaille l'ensemble des mesures préconisées, tant du point de vue du génie civil et des équipements de l'infrastructure que de son exploitation. Par exemple :

  • Les aménagements pour l'évacuation des usagers : en cas d'incendie, il est important que les usagers puissent trouver très rapidement un itinéraire d'évacuation qui les mène vers un lieu protégé des effets du feu.
  • Les équipements de désenfumage : pour permettre l'évacuation, l'atmosphère doit être visible, respirable et les flux de chaleur sur les personnes doivent rester en dessous des seuils admissibles.
  • La résistance au feu des structures : les structures jouent un rôle essentiel dans la sécurité des usagers. Par exemple, l'intégrité des abris et galeries d'évacuation doit être assurée. Par ailleurs, un incendie dans un tunnel peut représenter des dangers importants pour les constructions situées au dessus, à côté ou au dessous. En milieu urbain dense - un cas fréquent en raison de la présence de voies piétonnières, routières ou ferroviaires, de constructions habitées, d'espaces de détente et loisirs accessibles au public… - il est primordial que les structures supportant ces constructions ne s'effondrent pas avant que les zones dangereuses ne soient évacuées !

La circulaire d'août 2000 a mis en place une procédure de vérification de la sécurité des tunnels routiers. Cette procédure s'appuie sur un dossier de sécurité, établi par le maître d'ouvrage, décrivant le tunnel, ses caractéristiques et son exploitation, et intégrant une étude spécifique des dangers. C'est à partir de ce dossier qu'un comité national évalue, à la demande du Préfet, le niveau de sécurité de l'ouvrage. Le comité donne un avis sur le dossier, favorable (ou non), avec réserves, pouvant conduire à la mise en œuvre de mesures de sécurité complémentaires à celles présentées dans le dossier, ou sans réserve. Pour les tunnels à construire, l'existence d'une instruction technique solide facilite l'exercice. En revanche, pour les tunnels en exploitation, le problème est plus complexe. Les études sont plus difficiles à mener en raison de la nécessité de bien appréhender les écarts entre l'existant et la nouvelle réglementation. Dans la plupart des cas, un programme de travaux de remise à niveau est proposé au Préfet par le maître d'ouvrage, pour soumission à l'avis du comité national.

L'extension des procédures à tous les tunnels de plus de 300 mètres

Image d'une tunnel
Protection des structures par plaque

Le décret n°2005-701 du 24 juin 2005 définit des procédures harmonisées à l'ensemble des tunnels de plus de 300 mètres de long, y compris ceux des collectivités territoriales. Ainsi, pour chaque tunnel neuf, le maître d'ouvrage (état, société concessionnaire d'autoroute, région, département, commune…) doit soumettre au Préfet, avant le début des travaux puis avant à la mise en service, un dossier de sécurité comprenant l'avis d'un expert indépendant. Pour les tunnels existants, l'exploitant doit tenir à jour ce dossier de sécurité et le transmettre au Préfet tous les six ans. Ce dernier donne (ou non) l'autorisation de débuter les travaux, d'ouvrir le tunnel à la circulation ou de poursuivre l'exploitation.

Une directive européenne pour les tunnels du réseau routier transeuropéen

En parallèle, la directive européenne 2004/54/CE du 29 avril 2004 définit les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels du réseau routier transeuropéen de plus de 500 mètres de long, qu'ils soient en exploitation, en construction ou en projet. Cette directive sera transposée prochainement en droit français. Les mesures qu'elle préconise s'ajouteront à celles actuellement définies par l'instruction technique en cours de révision.

De nouvelles exigences de comportement au feu des tunnels

Alt texte
Protection des structures par mortier projeté

Réaction au feu des revêtements intérieurs du tunnel, câbles et chemins de câbles ; résistance au feu des structures principales et secondaires ; fonctionnement à la chaleur des équipements de sécurité : telles sont les nouvelles exigences de comportement au feu des tunnels.
S'agissant de réaction au feu, l'objectif est clair : éviter que les revêtements, câbles et chemins de câbles ne propagent l'incendie au-delà des zones déjà rendues dangereuses par la combustion des véhicules.
Les spécifications de résistance au feu concernent, entre autres, l'intégrité des structures impliquées dans l'évacuation des usagers, l'intervention des services de secours, l'endommagement éventuel d'équipements essentiels (ventilation, alimentation électrique…) et la sécurité des constructions voisines. Le niveau minimal requis, applicable aux tunnels dont l'effondrement local n'est pas préjudiciable à la sécurité des usagers ou services de secours, est l'absence d'effondrement pendant l'incendie et, a posteriori, pendant la phase de refroidissement. Les structures utiles ou indispensables à la sécurité pendant l'action des secours font l'objet d'exigence de résistance au feu de niveau plus élevé. C'est le cas, par exemple, des abris et galeries d'évacuation. De même, un effondrement localisé peut avoir des conséquences catastrophiques sur les constructions situées au dessus du tunnel.
Les spécifications de fonctionnement à la chaleur des équipements visent à assurer que des équipements essentiels, tels que l'alimentation électrique, l'éclairage, les installations de désenfumage, les équipements de radio-communication, continuent de fonctionner malgré les effets du feu.

Résistance au feu des structures : prise en compte des feux à développement rapide

Image d'un essai d'incendie
Essais d'incendie dans un tunnel à gabarit réduit

Lorsqu'un tunnel est autorisé aux poids lourds, deux cas types d'incendie sont automatiquement considérés pour le dimensionnement au feu des structures :

  • Feux à développement lent. Ils sont caractérisés par une montée en température progressive et une durée importante et représentés par une courbe température /temps bien connue : 850° en une demi-heure, 950° en une heure, 1 150° en quatre heures.
  • Feux à développement rapide, provoqué, par exemple, par un poids lourd à chargement combustible élevé, qu'il soit classé ou non parmi les marchandises dangereuses. Ces feux sont décrits par une nouvelle courbe température/temps dite « courbe de feu d'hydrocarbures majorée ». Cette courbe, particulièrement violente atteinte 1200°C en moins de dix minutes et 1300°C environ 20 minutes plus tard.

La courbe de feux à développement progressif ne pose pas de problème spécifique pour la conception de nouvelles structures ou le diagnostic de structures existantes en béton armé (à l'exception des bétons innovants dont la compacité est davantage propice aux phénomènes d'écaillage). Dans ce cas, la résistance au feu est évaluée selon des méthodes de calcul bien connues (DTU feu béton, Eurocode 2). En revanche, dès lors que la circulation est autorisée aux poids lourds, la courbe de feu d'hydrocarbures majorée est prescrite et l'évaluation de la résistance au feu devient plus complexe. Elle requiert la mise en œuvre de calculs avancés et d'essais spécifiques destinés à apprécier l'écaillage du béton.

Maître d'ouvrages : que faire ?

Les maîtres d'ouvrage doivent procéder à un diagnostic des tunnels existants. Ce diagnostic porte sur la résistance au feu des structures principales (murs, plafonds, dalles de ventilation), des structures de second œuvre (abris, refuges, issues de secours, galeries d'évacuation), des locaux techniques et équipements de sécurité (alimentation électrique et éclairage de secours, ventilateurs de désenfumage, radiocommunications, ventilateurs...). Il s'agit d'appréhender les performances de résistance au feu des structures et équipements. Il faut ensuite examiner, lorsque ceux-ci existent, des notes de calcul au feu et procès verbaux de classement des équipements, procéder à des calculs de résistance au feu et, si nécessaire, à des essais de comportement au feu des bétons, définir un programme de remise à niveau.

Le CSTB, expert du diagnostic de comportement au feu des structures

Depuis plusieurs années, des maîtres d'ouvrage confient au CSTB des missions visant à déterminer, sous différentes sollicitations thermiques, les champs de température ainsi que la résistance au feu des structures principales et secondaires de tunnels.

La démarche proposée par le CSTB pour la réalisation de ces études est la suivante :

  • identification des exigences de résistance au feu qui s'appliquent aux structures du tunnel,
  • recensement de toutes les parties de la structure devant faire l'objet d'une justification de leur stabilité,  collecte des plans et notes de calcul (s'ils existent) nécessaires pour mener à bien l'étude. Dans le cas d'informations incomplètes, des campagnes de reconnaissance sont demandées, ou des hypothèses de calculs sont arrêtées avec l'accord des différents intervenants,
  • identification des sollicitations thermiques à considérer. Les hypothèses sont validées avec les intervenants sur l'opération,
  • détermination des champs de températures dans les structures concernées,
  • vérification, sous les sollicitations thermiques considérées, de la durée de stabilité de la structure des tunnels (dalles, voiles, poutres, galeries…) ; comparaison de cette durée avec la valeur prescrite par la réglementation. Le cas échéant, la comparaison est effectuée avec la durée d'évacuation du tunnel et des zones occupées au dessus.

Dans certains cas, lorsque la résistance au feu des structures existantes n'est pas en ligne avec le niveau de sécurité recherché, une protection rapportée peut s'avérer nécessaire. Mortiers projetés, plaques de parement fixés à la structure... les diverses techniques de protection sont bien connues des experts du CSTB qui proposent des solutions de remise à niveau adaptées à chaque cas.

Références d'études de résistance au feu de structures de tunnels : Foix, Maurice Lemaire, Chamoise, Dullin, Croix-Rousse, Fourvière, Toulon, Puymorens, Landy, Constans, Sévines, Bretelle de Monaco, tunnel de l'Étoile à Strasbourg, franchissement du Boulevard Périphérique Porte des Lilas, gare routière de Saint-Quentin-en-Yvelines, tunnel à gabarit réduit de l'autoroute A 86...