Ingénierie Sécurité Incendie (ISI) : prédire pour mieux sécuriser
Comment prévoir le comportement d'un ouvrage face à un incendie ? Peut-on prédire l'impact du feu sur les matériaux ? Quels sont les scénarios de propagation du feu à l'intérieur d'un bâtiment donné ? L'attitude des occupants est-elle susceptible d'avoir des répercussions sur l'évolution du sinistre ? Loin d'être exhaustives, ces questions entrent dans le cadre de l'approche de la sécurité incendie, pour laquelle une véritable ingénierie voit peu à peu le jour au travers des analyses des experts du CSTB. Ainsi, le risque « feu » fait l'objet du « Projet national ingénierie et sécurité incendie » (PN ISI) associant le CSTB, le ministère de l'Équipement et le ministère de l'Intérieur, ainsi que de nombreux partenaires de recherche, professionnels et universitaires.
L'ingénierie incendie concerne bien sûr et d'abord les ouvrages exceptionnels ou complexes (gares, aéroports, atriums…), pour lesquels l'application classique de la réglementation existante peut conduire à des difficultés techniques difficilement gérables ou des surcoûts injustifiés. Des études qui, effectuées très en amont et au cas par cas, ont aussi pour objectif d'éviter la "sur-sécurité" inutile. Elle concerne aussi, et ce sera probablement son champ d'utilisation majoritaire, les ouvrages existants anciens qui, bien que conformes aux exigences réglementaires de l'époque de leur construction, peuvent faire l'objet d'une analyse de réactualisation des risques qu'il présentent en bénéficiant des connaissances scientifiques acquises depuis leur construction. C'est dans l'application de ces connaissances que l'ingénierie trouve alors tout son intérêt : on parle alors de "retrofitting" des ouvrages appliqué à la sécurité incendie.
Protéger les personnes avant tout
L'ingénierie incendie laisse une large place à la modélisation du développement des flammes et des fumées et du comportement au feu des ouvrages. Ces études prédictives sont désormais possibles grâce à des outils informatiques de simulation particulièrement performants, prenant en compte la complexité des bâtiments (géométrie, systèmes de ventilation et de désenfumage, nature, quantité et débit calorifique des matières combustibles susceptibles d'être impliquées dans le feu...). Des logiciels spécifiques à ces besoins permettent de simuler le mouvement des fumées et de prévoir les effets sur le comportement des personnes. L'étude de ce dernier point est d'ailleurs l'une des pièces maîtresses du puzzle PN ISI, puisque, avant l'analyse des ouvrages et l'évolution de leurs performances sous température, la sécurité des occupants passe d'abord par une appréciation fiable de leur comportement des personnes elles-mêmes.
L'arrivée de l'ingénierie incendie dans la prise en compte des risques entrera de façon complète dans le quotidien des acteurs du bâtiment (architectes, maîtres d'ouvrages, maîtres d'œuvres…) avant une dizaine d'années. D'ici là, elle pourra être exploitée de façon partielle sur un ou plusieurs des maillons de la chaîne concourant à l'appréciation globale du risque (scénarios de départ de feu, de développement du feu, d'alarme et d'alerte, de mouvement des fumées, de comportement des personnes, de déformations des ouvrages, d'efficacité des moyens de lutte et finalement de stabilité générale des ouvrages montés en température). Cette utilisation partielle est déjà pratiquée avec succès sur certains projets, dans un cadre défini par la réglementation. On peut penser que l'extension de cette méthode à des maillons de plus en plus nombreux de la chaîne des évènements précitée sera d'autant plus aisée que le PN ISI produira les premiers outils méthodologiques d'exploitation pratique dans les trois années qui viennent. Avec à terme, des objectifs ambitieux : mieux discerner les points précis sur lesquels les exigences de la réglementation en vigueur méritent d'évoluer de manière à les rendre toujours plus efficaces, sans pour autant pénaliser l'économie des projets. Par ce regard nouveau basé la possibilité l'exploiter l'efficacité de mesures compensatoires du risque appropriées à chaque cas particulier, l'ingénierie incendie constituera un outil puissant d'analyse de la sécurité des ouvrages anciens.
