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Simuler le son pour anticiper les nuisances

Créer des univers sonores virtuels les plus proches de la réalité : voici, entre autres, ce à quoi s'emploie le département Acoustique et Éclairage du CSTB, basé à Grenoble. L'équipe travaille sur les moyens d'anticiper l'impact sonore de la construction d'infrastructures, notamment routières. En mettant "en boîte" des sons puis en les modélisant, les ingénieurs du CSTB créent de la réalité virtuelle, avec deux objectifs concrets : étudier des solutions techniques pour corriger cet impact et restituer virtuellement aux citoyens les ambiances sonores qu'ils entendront dans la réalité.

Modélisation de la propagation sonore

Depuis trois ans, une nouvelle étape a été franchie, grâce aux travaux sur la modélisation de propagation sonore. Les équipes d'ingénieurs travaillent sur des modèles physiques de propagation du son pour appréhender les sons de manière qualitative et passer dans le domaine de la perception. « Le modèle numérique reproduit le plus fidèlement possible les sources de sons, créant ainsi une interaction entre les différents paramètres sonores, explique Jacques Martin, ingénieur du CSTB en charge de ces travaux. Le projet transversal EVE (Environnement Virtuel Enrichi) auquel nous participons aux côtés d'autres organismes va dans le même sens : en immergeant l'auditeur dans un environnement sonore tel qu'il sera réellement, on lui permet d'écouter ce qu'il entendra lorsque une autoroute en construction ou le tracé d'un tramway tout proche produiront leurs décibels. »

Afin de recréer en synthèse et le plus fidèlement possible la propagation du son (en tenant compte des murs antibruit, de la qualité de l'enrobé, de la vitesse sur le tronçon…), la diffusion d'un son spatialisé en 3D est l'idéale, la stéréo demeurant pour sa part trop pauvre pour restituer les sons dans l'espace. Au casque qui ne permet pas à l'auditeur d'extérioriser les sons, au siège spatialisé qui empêche l'auditeur de se mouvoir ainsi qu'il pourrait le faire dans la réalité, on privilégiera la technique dite ambi-sonique : un système multi haut-parleurs (entre 6 et 12), parfait pour des déplacements dans un petit espace. Le "must" demeure néanmoins le système olo-phonique, qui reprend le principe du haut parleur en en disposant 150 dans un espace. Résultat : une couverture bien plus efficace d'une scène sonore. Bref, ce dernier dispositif reproduit le plus fidèlement possible l'ambiance sonore d'un lieu... qui n'existe pas encore.

Son virtuel et son réel

A Cahors, les enregistrements conduits sur le tracé d'une autoroute en construction seront d'un précieux secours pour les futures diagnostics sonores des acousticiens du CSTB. Alimentant les bases de données du laboratoire, ces mesures serviront aussi à vérifier la pertinence des systèmes de réalité virtuelle.

A l'origine de ce travail, le contrat liant le CSTB au Ministère de la recherche afin de monter avec l'Inrets (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité), un laboratoire travaillant sur la réalité virtuelle. En guise de laboratoire, il s'agit d'un salon équipé de canapés, de meubles, d'une télé… Bref, une pièce comme il en existe chez des millions de foyers français… Sauf que celle-ci est bardée d'équipements pouvant faire varier les paramètres visuels et sonores pour étudier la perception des nuisances sonores. Et notamment celles venant de l'extérieur du logement, grâce à la mise en place d'un caisson acoustique placé derrière une fenêtre. Une scène d'extérieur, bruits et image inclus, est projetée sur la dite fenêtre.

Et c'est là que l'on s'aperçoit qu'à nuisances sonores équivalentes, les impacts visuels sont différents (et réciproquement). Le cas le plus courant est le rideau d'arbres qui sépare des habitations d'une route et qui donne l'impression de réduire le bruit de la circulation. En réalité, il n'en n'est bien sûr rien. Au final, on arrive à relier ce qui se passe virtuellement à ce qui se passe réellement. Sachant que ce dispositif sonore reprend le système olo-phonique, il se veut donc le plus fidèle possible à la réalité.

Multiples applications

C'est ce programme high-tech qui a été utilisé pour le projet de Cahors. Des prises de sons avaient déjà été effectuées sur le tunnel de l'A86 où seront implantées des voies ferrées supplémentaires pour le compte de RFF (Réseau ferré de France). La société Colas a mis à la disposition des "ingénieurs du son" du CSTB une portion d'autoroute en construction pour effectuer des prises de sons à l'aide de véhicules "témoins". Objectif : vérifier les différences entre simulation en laboratoire et sons réels.

Les débouchés en matière de création d'univers sonores virtuels restent extrêmement multiples : gestion sonore d'une ville pour les collectivités territoriales, test sur la qualité acoustique d'un bâtiment et préconisations sur le choix de matériaux plus performants acoustiquement parlant. En quelque sorte, un principe de précaution et communication au public grâce à une réflexion très en amont sur le bruit.