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PME : inventives ou innovatrices ?

Premier constat : le tissu du secteur de la construction se compose essentiellement de PME. Des PME qui ont des fonctions bien différentes : de la conception d'un bâtiment au service après-vente en passant par la fabrication de matériaux. « Or, quand on parle de PME dans la construction, il est fait implicitement référence aux entreprises de mise en œuvre, précise Jean-Luc Salagnac, Laboratoire Service, Process, Innovation du CSTB. Cette vision est un peu réductrice quand on cherche à promouvoir l'innovation dans les PME de la construction. »

Second constat : le rapport à l'innovation d'une PME qui travaille sur un chantier est différent de celui d'une PME industrielle. La première devra souvent avoir résolu à midi un problème rencontré le matin même ; elle sera alors plutôt inventive qu'innovatrice. En revanche, la PME industrielle qui aura innové aura pour principal souci de produire cette innovation, de la faire connaître auprès des prescripteurs et de garantir sa pérennité. De même, les architectes, ingénieurs… sont aussi à leur façon des "innovateurs", puisqu'ils oeuvrent à la fois dans les domaines de l'invention (en réinventant à chaque fois un bâtiment) et de l'innovation, dans la mesure où il pérennisent un certain nombre de savoir-faire et "d'inventions". Enfin, on peut également élargir le cercle des "innovateurs" aux exploitants quand ils mettent au point de nouvelles procédures commerciales pour leurs clients. On le voit, l'innovation peut prendre différentes formes et les approches du processus d'innovation doivent rendre compte de cette diversité.

Combler certains "vides techniques"

« Quand on parle d'innovation, on pense surtout aux produits et à leurs performances, poursuit Jean-Luc Salagnac. D'ailleurs, les procédures d'évaluation du CSTB pour les produits et procédés industriels se concentrent sur des performances mesurables, rarement à d'autres aspects de l'innovation comme l'organisation du chantier ou les accessoires qui permettent d'accompagner le produit. » Conséquence possible : un maître d'ouvrage peut être mécontent d'un produit présentant pourtant toutes les garanties de performances techniques, tout simplement parce que la manière détaillée de l'intégrer à l'ouvrage n'est pas formalisée dans toutes ses dimensions. Au-delà des performances techniques, l'excellence du produit ou procédé se révèle en travaillant sur l'organisation des tâches, sur l'ergonomie de la pose…

Une part de l'activité innovante des corps d'état concernés est générée par la résolution des problèmes posés par la prise en compte de ces aspects non purement techniques. Et, de même que les Avis techniques ont récemment évolué en intégrant de nouveaux aspects comme l'environnement, ne pourraient-ils évoluer vers la prise en compte de l'ergonomie ou de l'organisation des chantiers ? Il y a là un espace de discussions entre fournisseurs, entreprises et prescripteurs.

Pratiques à la loupe

« Ainsi, contrairement à l'image traditionnelle et quelque peu passéiste que le secteur véhicule encore, il y a beaucoup d'innovations venues des PME sur les chantiers, précise Jean-Luc Salagnac. Encore faut-il les repérer et les promouvoir. C'était le principal objectif du projet Constrinnonet. »

Les dispositifs de soutien à l'innovation développés dans les sept pays européens concernés ont été étudiés à la loupe. En France, une trentaine d'entreprises, principalement des Pays de la Loire et d'Aquitaine, ont décrit leurs pratiques. Toute la chaîne du processus d'innovation des PME a été analysée pour mettre en exergue les points forts mais aussi les difficultés techniques, financières, commerciales et organisationnelles. Une analyse qui ne porte pas uniquement sur les nouveaux produits et procédés mais qui intègre aussi des innovations de service et d'organisation. Les entreprises primées au Palmarès de l'Innovation en 2000 et 2002 ont constitué un riche vivier pour alimenter les travaux de Constrinnonet (voir encadrés).

Pour simplifier, on peut dire qu'une entreprise de mise en œuvre a, à la base de toute innovation, une volonté de résoudre un problème de terrain et, donc, de mieux travailler. Les inventions sont un peu un "passage naturel" pour les entrepreneurs de construction, même si toutes ne méritent pas le statut d'innovation. Pourtant, certains d'entre eux décident de passer au stade supérieur pour aller vers une valorisation de leur invention à travers la mise au point et la diffusion d'une innovation. Il reste que ce sont fondamentalement des métiers différents.

« L'idée que j'ai toujours défendue dans le projet Constrinnonet, conclut Jean-Luc Salagnac, est que le fait de créer un réseau pourrait permettre de faire connaître aux entreprises de mise en œuvre des pays européens les solutions inventives, voire innovantes, développées par leurs homologues. Et même si l'on n'a pas totalement abouti dans le temps imparti des trois ans du projet, l'idée a été lancée et on a su créer le mouvement. »

(*) Avec Frédéric Bougrain, Jean-Luc Salagnac formait l'équipe du CSTB pour Constrinnonet.

Constrinnonet en bref

Réseau financé par la Commission européenne (1,71 million d'euros) dans le cadre du 5e PCRD.

  • Deux principaux objectifs
    • étude dans les pays partenaires des mécanismes ayant présidé aux innovations couronnées de succès,
    • développement de stratégies de transfert de diffusion de ces mécanismes.
  • Coordination du projet
    • VTT Building & Transport (Finlande)
  • Partenaires
    • Centre Scientifique et Technique de la Construction (Belgique),
    • Consultores de Automatizacion y Robotica (consultant espagnol),
    • Centre Scientifique et Technique du Bâtiment,
    • Paragon Ltd (consultant grecque),
    • Université technique Vilnius Gediminas (Lituanie),
    • Université de Salford (Royaume-Uni)
  • Durée
    • du 1er juin 2000 au 31 mai 2004
  • Méthodologie
    • étude des activités d'innovation de plusieurs types de PME (concepteurs, entreprises de construction, industriels/distributeurs de produits et de matériels pour la construction),
    • recueil des bonnes pratiques par enquête grâce à des relais régionaux dans chaque pays (SIG : Special Interest Groups),
    • aspects relatifs au transfert des méthodes et à leur diffusion traités via des contacts directs entre les représentants des PME, des SIG et un site Internet

Palmarès de l'Innovation 2004 : résultats en novembre

Artisans et entreprises avaient jusqu'au 20 juillet pour s'inscrire au Palmarès de l'Innovation 2004. Organisé par le PUCA, la FFB, la CAPEB, le Moniteur et des partenaires techniques des entreprises (AQC, OPPBTP, ADEME, ANVAR), ce Palmarès a pour objet de valoriser des entreprises qui mettent en œuvre des solutions originales améliorant les pratiques quotidiennes sur les chantiers de bâtiment.

Ce palmarès est constitué de quatre catégories :

  • Techniques de construction en neuf, réhabilitation, entretien (solutions améliorant la qualité de la mise en œuvre),
  • Conditions de travail, santé, sécurité (solutions dédiées à l'approvisionnement, au stockage, à la manutention et à l'amélioration du poste de travail),
  • Organisation de l'entreprise, services, gestion de chantier (relations client, démarches qualité, service après vente),
  • Qualité environnementale du chantier (solutions développées par les entreprises sur les chantiers de réhabilitation et de déconstruction).

Le Palmarès est organisé en deux temps : les lauréats sélectionnés par les jurys régionaux concourent ensuite au niveau national. Les distinctions seront remises à l'occasion du Salon des Maires et des Collectivités locales, le 18 novembre à Paris. Les résultats du Palmarès 2004 feront l'objet d'un tiré à part du Moniteur en décembre.