Archives

Espaces extérieurs : radiographie de quartiers du Grand Lyon

Dans le cadre du contrat de ville 2000-2006, des actions de gestion sociale urbaine de proximité (GSUP) sont développées dans plusieurs quartiers (classés en trois catégories) de l'agglomération lyonnaise pour améliorer la vie quotidienne des habitants, renforcer l'attractivité du quartier et diminuer, le cas échéant, la vacance. Des conventions associent l'État, les communes, le Grand Lyon, la région Rhône-Alpes, le conseil général du Rhône et les bailleurs publics et privés. Elles mobilisent d'importants moyens humains et concours financiers publics pour améliorer l'entretien et l'environnement des logements, la propreté et la maintenance des espaces collectifs, l'accueil et la participation des habitants.

Le Grand Lyon a souhaité dresser un bilan. Il s'agissait de répondre à des questions des élus : Quelles actions la GSUP finance-t-elle précisément ? Quelles sont celles qui doivent bénéficier d'un effort public local exceptionnel de rattrapage et de sur-entretien et celles qui doivent revenir à terme dans le "droit commun" des bailleurs ? Le Grand Lyon a donc fait appel à Habitat et Territoires Conseil et au CSTB. Le laboratoire Économie et Statistique du CSTB a été chargé d'évaluer le coût de la gestion des espaces extérieurs. « A mesure que nous progressions, témoignent Jean-François Arènes et Patrick Elias, les enjeux de la gestion des espaces extérieurs nous ont paru clairement relever d'une compréhension économique bien plus large que la question des coûts. »

Définir et qualifier les espaces, évaluer les dépenses

Les deux économistes ont d'abord classé les espaces extérieurs : publics ou privés, ouverts ou fermés, "gris" (voie, place, trottoir…) ou "verts" (jardin, parc, pelouse…). Ils ont ensuite repéré tous les espaces ainsi définis dans trois quartiers : Mermoz, La Duchère et Le Prainet (voir encadrés), en utilisant le système d'informations géographiques très performant du Grand Lyon. Ils ont enfin identifié les parties prenantes (élus, institutions et services publics, bailleurs, résidants, prestataires, associations), leurs compétences et leurs rôles respectifs, leurs modes d'interventions et les dépenses afférentes.

Il apparaît bien qu'une partie des dépenses de GSUP (remise en état des logements, gestion des espaces…) relève d'une gestion ordinaire, a perdu tout caractère de sur-entretien et est déjà aidée financièrement (réduction de la TFPB en zone urbaine sensible). De plus, au-delà du diagnostic particulier des quartiers, l'analyse économique suggère des solutions d'une portée plus générale.

L'étude des trois quartiers révèle des défauts de coordination dans la gestion des espaces extérieurs. Ils proviennent en partie de ce que ces espaces (voirie, espace vert, éclairage public, signalisation…) présentent deux traits spécifiques : d'une part il n'est pas toujours possible d'empêcher les individus de les utiliser, d'autre part leur utilisation par un individu n'empêche pas leur utilisation par d'autres. En outre, leur gestion (même privée) peut affecter la qualité des espaces voisins, publics ou privés. Dans de telles conditions, le libre jeu des intervenants peut conduire à un bien-être collectif moindre. Pour remédier à ces défauts de coordination et accéder à un meilleur niveau de bien-être, plusieurs solutions sont envisageables. Le transfert de domanialité (espaces non bâtis et bâtis) entre propriétaires (publics ou privés) en est une. Mais d'autres peuvent se révéler au moins aussi efficaces : la diminution du nombre d'intervenants, les conventions de délégation, la redéfinition du cadre juridique et réglementaire local, l'aide financière sur la base d'engagements contractuels...

Enfin Jean-François Arènes et Patrick Elias le soulignent : « On ne peut améliorer que ce que l'on mesure. » D'où la nécessité pour les acteurs locaux de dresser systématiquement un état des lieux avant l'action, d'évaluer l'action sur la base d'indicateurs pertinents de résultats (à défaut, d'indicateurs de moyens ou de productions) et de mobiliser toute l'information disponible et à jour.

Mermoz (Lyon 8e) : une transition ?

Le quartier Mermoz (catégorie 1) se singularise par la présence d'un seul bailleur social qui gère 1 457 logements (95 % des logements du quartier). En réalité, il y a deux sous-ensembles très différents : Mermoz-Nord c'est 498 logements, 81 m² d'espaces extérieurs privés par logement et, par mètre carré habitable et par an en 2002, un loyer de 49 €, des charges récupérables de 16 € dont 0,3 € pour l'entretien des espaces extérieurs ; Mermoz-Sud c'est 959 logements, 45 m² d'espaces extérieurs, 43 € de loyer, 14 € de charges récupérables dont 0,2 € pour l'entretien des espaces extérieurs, privés et ouverts. Au nord, le bailleur entretient seul ses espaces alors qu'au sud il existe aussi des espaces publics recomposés. L'enquête de satisfaction reflète ces disparités : les habitants du nord se plaignent de ne pas bénéficier de la même attention que ceux du sud. Le nord offre au bailleur des perspectives d'évolution immobilière qui ne sauraient faire oublier les habitants du présent. Paradoxalement une gestion territorialisée à l'extrême pourrait renforcer les inégalités au lieu de les réduire.

La Duchère (Lyon 9e) : une exception ?

La Duchère, dont l'actuel sénateur-maire de Lyon a été le maire d'arrondissement de 1995 à 2001, est un vaste quartier de 5 517 logements : 4 073 sont gérés par quatre bailleurs sociaux et 1 273 en copropriété. Classé en catégorie 1 dans le contrat de ville, il fait l'objet d'un des quatre Grands Projets de Ville de l'agglomération lyonnaise. Le ratio d'espaces extérieurs privés est très variable : de 26 à 96 m² par logement (en moyenne 46 m²) - pour mémoire une place de parking, y compris les dégagements, représente environ 25 m². Il faut ajouter des espaces publics (voierie, parking public, espaces verts, bois). Les économistes observent que, depuis l'origine, les collectivités assurent par accord tacite l'entretien et la propreté de tous les espaces extérieurs (publics et privés) sans aucune contribution privée. Ils ont estimé la "subvention" publique qui bénéficie ainsi aux habitants et aux bailleurs : elle varie de 20 à 175 € par logement (en moyenne 65 euros par logement, soit 1 pour cent des charges récupérables et 0,3 pour cent de la dépense de logement - loyer + charges). Cet avantage ne semble pas avoir favorisé d'action particulière des bailleurs au profit des résidents de la Duchère. Ici un nouvel arrangement institutionnel et conventionnel pourrait préciser les engagements et les contributions respectives des bailleurs et des collectivités (matérielles ou financières) pour l'entretien des espaces extérieurs.

Le Prainet (Décines-Charpieu) : un modèle ?

Le Prainet, le plus petit des trois quartiers étudiés, est aujourd'hui classé en catégorie 2 (en catégorie 1 jusqu'en 2000). Trois bailleurs sociaux possèdent 859 logements. Le ratio d'espaces extérieurs privés est élevé : de 85 à 102 m² par logement selon le bailleur. Après que les espaces extérieurs ont été réaménagés, un dispositif conventionnel original, le "Prainet vert", a été mis en place. La commune de Décines-Charpieu assure le nettoyage et l'entretien de tous les espaces extérieurs, publics et privés, du quartier. Elle reçoit en contrepartie les contributions financières des bailleurs et du Grand Lyon, assises sur une répartition différente des domanialités. Les économistes constatent que la gestion publique d'espaces extérieurs n'implique pas un changement des domanialités. Mais sa pérennité est assujettie au caractère annuel de la convention.