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Coup de théâtre

Les anciens théâtres rencontrent souvent cette même difficulté. Bâtis avec des techniques à l'époque révolutionnaires, ils ont traversé le temps et se doivent aujourd'hui de vivre avec leur époque. La programmation est majoritairement classique mais les quelques spectacles de variété sont de plus en plus sonores ! L'architecte du Théâtre, Auguste Perret, considérait d'ailleurs que c'était une prouesse de construire des voiles en béton aussi minces sur des portées aussi grandes. Pierre Bruder, attaché technique "Acoustique des salles" au CSTB, explique : « Les théâtres contemporains sont, dès la conception, imaginés pour des utilisations multiples : concerts symphoniques, spectacles, concert amplifié. Ce n'est évidemment pas le cas de ces deux théâtres qui présentent une particularité : le théâtre des Champs Elysées, qui peut accueillir des artistes à voix comme Patricia Kaas, "déborde", acoustiquement parlant, sur la Comédie des Champs Elysées qui propose une programmation essentiellement théâtrale. » Résultat ? Dans cette seconde salle, les jours de grands concerts, on entend les forte de l'orchestre et les basses fréquences de la musique amplifiée ; parfois même, on peut reconnaître les mélodies et les airs joués dans le Théâtre voisin.

Des travaux, oui, mais...

En 1987, déjà, un doublage à base de plaque de plâtre sur ossature avait amélioré le mur séparatif entre les deux salles. Mais est-ce l'effet du temps qui passe ? Les travaux successifs de rénovation architecturale accomplis depuis dans les deux théâtres ? Les faits sont là : malgré la structure en brique, les couches de laine de verre, les enduits en ciment, les parpaings, etc., des failles acoustiques existent à plusieurs endroits. D'abord, au niveau du mur même, mais aussi au niveau des planchers situés en-dessous. Là, plusieurs "chemins de transmission" ont été identifiés. « Ces problèmes de transmission acoustiques, avec des phénomènes de vibrations qui passent par la structure, sont particulièrement complexes à maîtriser, explique Pierre Bruder. Nous sommes d'ailleurs toujours dans une phase d'investigation. Plusieurs sondages ont ainsi été faits mais d'autres restent à faire. Nous travaillons en étroite collaboration avec Georges Louis Rouch, l'acousticien historique du théâtre. »

Marge de manoeuvre étroite

Autre particularité qui ajoute à la complexité de ce cas d'école : les deux théâtres, conçus à l'Italienne, sont classés ! Impossible d'y faire "n'importe quoi", d'autant que le public d'habitués ne suivrait peut-être pas. On se souvient de la levée de boucliers lors de la rénovation de l'Olympia. S'ajoutent les contraintes économiques, car ce type de travaux coûte cher. La marge de manœuvre du CSTB est donc étroite. Pierre Bruder poursuit : « Le raisonnement est simple. On ne peut pas jouer sur la programmation des concerts amplifiés en profitant des relâches de la Comédie ou en planifiant de façon très concertée les jours où cela est possible (période de montage, de répétitions, de fermeture ?) ; le théâtre a déjà mis en place une limitation contractuelle du bruit de la musique amplifiée à 90 dB(A), mais ce palier est parfois dépassé lors des spectacles de variété. Une expertise détaillée de la situation, assortie de mesures acoustiques, a montré que le bruit du Théâtre s'échappait de la salle par les loges vers les foyers, puis les séparatifs entre les deux salles. » Le CSTB a ainsi proposé qu'une des loges de ce théâtre soit aménagée en loge "test". Un véritable laboratoire acoustique où la porte et les parois seraient non pas changées (nous sommes, répétons-le, dans un théâtre classé ?) mais renforcées pour une meilleure isolation phonique. Une proposition parmi d'autres, en attendant qu'un diagnostic plus complet soit fait. Alors rendez-vous à l'été 2007, quand les salles seront vides et que les acousticiens, les architectes et les ouvriers pourront travailler ?

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