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Belleville se jette à l'eau

Il faut remonter plus de dix années en arrière pour trouver « trace » de construction d'une piscine à Paris avec le bassin de Reuilly dans le 12ème arrondissement. La piscine Pailleron sise dans le 19ème est pour sa part en cours de réhabilitation, tandis que les travaux de remise à niveau de la piscine Molitor, fermée au public depuis une bonne décennie, ne sont pas encore d'actualité.

Un recensement poussé des équipements et installations du quartier

C'est à la suite d'un diagnostic particulièrement poussé et exhaustif qu'a été décidée l'implantation de ce complexe sportif sur une parcelle nue (à l'exception d'un immeuble d'habitation promis à la destruction) de 2180 m² située entre le 4 et le 12 de la rue Dénoyez dans le 20ème arrondissement. Il s'est agi pour la Ville de Paris, maître d'ouvrage de l'opération, de conduire un recensement tant qualitatif que quantitatif de l'offre des équipements et installations présents dans la zone primaire, soit dans un rayon de 600 m autour du site du futur complexe, zone définie pour un équipement de proximité destiné à la population du quartier. Dojos, salles de danse, salles d'arts martiaux, salles de gym/fitness auront ainsi été comptabilisés et analysés pour définir les besoins.

Le programme détaillé de l'opération synthétise ainsi cette étude : « le recensement a mis en évidence la très grande variété des activités proposées dans le nord est parisien. En revanche, la cartographie a nuancé ce constat en présentant un déséquilibre dans la distribution spatiale au détriment du nord ouest du 20ème arrondissement quelles que soient les familles d'activités recensées. Le complexe sportif trouve pleinement sa place au sein d'un réseau d'équipements spatialement incomplet ». Le seul équipement pouvant à terme être concurrentiel est le bassin Parmentier, mais ses dimensions sont limitées. Réservé aux scolaires, son accessibilité tout public à l'horizon 2005 ne devrait pourtant guère faire de l'ombre au projet bellevillois, tout comme les deux piscines G.Hermant et G. Vallerey à vocation principalement sportive.

Un site dense fortement contraint

Le site est à la croisée de quatre arrondissements particulièrement peuplés : Xème, XIème, XIXème et XXème. Destinée dans un premier temps pour de l'habitat (le même permis de démolir sera à ce propos réutilisé), la parcelle aura finalement trouver sa vocation finale dans un projet de « loisirs pour tous » drainant la population du sud-est du quartier et qui aura su mettre d'accord les maires d'arrondissement concernés, soucieux de ne pas densifier plus avant le quartier.

Si le site bénéficie d'atouts certains tels que la forme de la parcelle et sa topographie, il reste néanmoins handicapé par ses dimensions limitées, et par un environnement bâti dense avec lequel le projet doit dialoguer harmonieusement d'un point de vue esthétique mais aussi urbanistique. Sur ce point, le futur ouvrage devra respecter tout à la fois les textes réglementaires d'urbanisme s'appliquant à ce secteur, le Cahier des prescriptions architecturales urbaines et paysagères (CPAUP) applicable au Bas-Belleville, ainsi que la démarche HQE. Les enjeux de la maîtrise d'ouvrage sont clairement identifiés : proposer un établissement public de proximité, créer un équipement de référence parmi les équipements sportifs de la ville, et enfin proposer une réflexion globale exemplaire par rapport à la démarche HQE venant justifier les choix des cibles faisant l'objet d'un traitement très performant.

Ces dernières sont au nombre de quatre : gestion de l'énergie, gestion de l'entretien et de la maintenance, qualité sanitaires de l'air et qualité sanitaire de l'eau. En traitement performant, on retrouvera la gestion de l'eau, le confort hygrothermique, le confort acoustique et le confort olfactif, les autres cibles bénéficiant d'un traitement de base.

Le premier projet HQE de la capitale

Ces axes principaux sont en phase avec la politique générale de la Ville de Paris en matière de prise en compte de la préservation de l'environnement et qui devrait se traduire dans le prochain plan local d'urbanisme (PLU), axée depuis la nouvelle mandature sur l'énergie, la lutte contre l'effet de serre et la lutte contre le bruit. Il existe une forte volonté de la part de la municipalité de prendre en compte les problématiques environnementales Tri sélectif, plan de déplacement urbain, transports, charte du développement durable pour la réhabilitation de logements sociaux sont autant de chantiers lancés dans cette optique.

Dans le domaine de la construction, le groupe de travail qu'elle dirige avait pour mission clairement établie de développer la démarche HQE. 25 agents techniques, tous compétents en matière de HQE, auront ainsi été choisis au sein de leur direction technique respective (espaces verts, voirie, laboratoire d'hygiène de la Ville de Paris, direction de l'urbanisme, etc.) afin de lancer des opérations intégrant ce bagage environnemental transversal. La piscine de Belleville apparaît ainsi comme le premier test grandeur nature du référentiel HQE appliqué à un ouvrage d'importance qui déploie une Surface Utile (Programme) de 3620 m².

Une consultation lancée auprès des riverains

Les contours du profil environnemental a été dessiné en tenant compte tout à la fois de l'analyse du site, des attentes des parties intéressées et d'autres objectifs prioritaires du projet tels que la fonctionnalité, la sécurité, etc. Au final la HQE semble ainsi être le compromis le mieux abouti entre les attentes de chacun, avec d'un côté un public largement consulté notamment sur les éventuelles nuisances sonores liées à l'usage de l'espace libre à l'intérieur de la parcelle ainsi qu'aux nuisances olfactives, et la maîtrise d'ouvrage, soucieuse de gérer un ouvrage sous l'angle de la performance sans look HQE ostentatoire. Car il faut noter qu'une piscine est un véritable gouffre financier : en cinq années, les frais de fonctionnement sont équivalents au coût de construction de l'ouvrage.

Chaque année, dix ouvrages sous maîtrise d'ouvrage Mairie de Paris sortent de terre. Ceux des nouveaux projets réalisés en zone GPRU (grand projet de renouvellement urbain, 11 zones sur Paris intra-muros) le seront sous pavillon HQE. A cet effet, une charte devrait être signée avec les promoteurs privés-essentiellement les sociétés d'économie mixte-pour acter un manuel de bonne conduite environnemental venant rappeler en la matière les préconisations majeures de la Mairie de Paris s'agissant du bruit, des poussières, des déchets, etc.

L'eau, l'air et la thermique au coeur du projet

Les enjeux environnementaux du point de vue de l'équipement projeté répondent à une seule et même question : une piscine HQE, c'est quoi ? C'est avant tout un lieu où l'eau, l'air et le confort thermique sont les catalyseurs de toutes les attentions. L'humidité par exemple aggrave fortement la pollution intérieure en facilitant la prolifération des micro-organismes. Le traitement de l'air doit dès lors assurer le maintien d'apport d'air neuf et le taux d'humidité relative dans une zone acceptable.

Par ailleurs, une piscine est un gros consommateur d'eau. En moyenne, chaque baigneur en utilise 100 litres, entre l'évaporation due aux activités de nage et les douches prises. Ces dernières, qui occasionnent un débit jusqu'à 20 litres/minute, peuvent pourtant être réglées sur une consommation réduite à 7 litres/minute, avec des systèmes déjà disponibles sur le marché. S'agissant des matériaux, l'atmosphère humide et chaude ainsi que les nombreux nettoyages exigent des matériaux adaptés. Ils ne devront ni s'altérer, ni se désagréger, pas plus qu'ils ne pourront émettre de substances polluantes. Concernant le confort thermique, les parois froides ou les coulis d'air produits par les bouches d'aération mal disposées doivent être limitées afin de ne pas gêner des occupants nécessairement très sensibles aux différences de chaleur et aux courants d'air.

Pour l'heure, la piscine de Belleville attend toujours son architecte. Le concours, lancé fin janvier 2004, posait une remise des plis mi-avril. Les bellevillois quant à eux pourront faire des ronds dans l'eau d'ici fin 2007.

Calendrier

  • Juillet 2003 : appel à candidatures (76 dossiers rendus, quatre architectes retenus)
  • Janvier 2004 : lancement concours
  • Avril 2004 : rendu concours
  • Juin 2004 : promulgation lauréat Octobre 2004 : APS
  • Février 2005 : APD
  • Mai 2005 : DCE Fin 2005 : début travaux
  • Fin 2007 : livraison

Fiche technique

  • Maîtrise d'ouvrage : Mairie de Paris, Direction du patrimoine et de l'architecture Programmation : Ménighetti, Jacques Friedland, Michel Raoust, Albino Taravella
  • Budget prévisionnel : 20,4 millions d'euros TTC valeur 2002