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Trois hommes dans un bateau

Quand on passe plusieurs heures en mer pour venir à la rescousse de nageurs ou navigateurs en danger, autant s'équiper des vêtements les plus performants en termes d'étanchéité, de résistance, de confort et d'aisance. "Aujourd'hui, chaque station de sauvetage a ses propres équipements, explique Alexis Beresnikoff, directeur de la communication de la SNSM (Société Nationale des Sauveteurs en Mer). Mais ils ne sont pas tous adaptés et nous souhaitons par ailleurs harmoniser les tenues."

Benjamin Serfati, directeur de la centrale d'achats de la SNSM, a lancé un appel d'offres auprès d'une trentaine de fabricants. Trois sont dans la course finale. Avant de faire un choix définitif, Benjamin Serfati a voulu tester les équipements, "afin de vérifier qu'ils répondent aux besoins spécifiques des sauveteurs". Passionné de moto, il a appris l'existence de la soufflerie du CSTB en lisant un article sur des essais pratiqués sur des vêtements de motards. Il prend contact avec Sophie Moreau, ingénieur qui "fait la pluie et le beau temps" au CSTB ; ils définissent ensemble le protocole d'essais (voir encadré).
 

Pesée de T-shirts…

Harnachement avant d'aller affronter les intempéries recréées pour les tests

Ce 30 mai, venus d'Ouistreham, Portsall, Saint-Malo et Cap Camargue, ils sont neuf sauveteurs à se prêter au "jeu" dans la soufflerie, sur un bateau semi-rigide et un pneumatique. Trois par trois, ils testent les "collections", en reproduisant les gestes qu'ils pratiquent presque au quotidien : lancer une bouée, manutentionner et brancher une pompe, installer un blessé sur le brancard, manipuler un pneumatique annexe… Le tout sous pluie battante et vent de plus en plus fort. Des conditions qui ne se rencontrent que rarement, mais qui peut le plus peut le moins…

Entre chaque série de tests, place aux impressions : "la fermeture du col n''est pas assez serrée", "ma capuche s'est envolée"… Puis ils enlèvent le T-shirt qu'ils portent sous leur combinaison afin de… le faire peser ! "C'est le seul moyen de voir quelle quantité d'eau a pénétré dans le vêtement, explique Sophie Moreau, et de voir quel est le plus étanche." "Quand on passe 2 ou 3 heures en sauvetage et que l'eau gèle sur nous, cela peut altérer nos mouvements," précise Philippe, sauveteur.

 

Sophie Moreau procède à la pesée des T-shirts pour déterminer la quantité d'eau qui a pénétré dans les combinaisons

Cette opération inédite a été possible grâce au mécénat de la "Fondation Total pour la biodiversité et la mer", qui s'est engagée auprès de la SNSM pour cinq ans, et à la participation "socio-responsable" du CSTB, qui ne facture pas les tests en soufflerie.

Dès cet été, les équipements seront testés sur le "terrain" par les sauveteurs pour entériner les essais effectués en soufflerie et de passer commande de… 5 000 tenues à l'heureux élu.

En coulisse…

Le vent augmente… Objectif : 100 km/heure…

Côté climatologie

Dans un premier temps, le CSTB étudie, sur la base d'analyses statistiques, les conditions combinées de vent et de pluie statistiquement réalistes et suffisamment sollicitantes pour les vêtements. C'est ce qui s'appelle la "concomitance des événements". Il aurait été sans intérêt de reproduire pendant une demi-heure une pluie d’une intensité telle qu’on ne la rencontre que pendant deux minutes de suite en pleine forêt amazonienne, d’autant plus inutile que cette pluie n’est jamais accompagnée de vent !

Côté étanchéité

La perte d’étanchéité d’un vêtement est le résultat du champ de pression qui s’exerce de part et d’autre de celui-ci (externe-interne), d’où l’intérêt (et la nécessité) de reproduire un vent turbulent. La reproduction des gestes habituels d’une opération de sauvetage permet de vérifier que la variation permanente de ce champ de pression ne remet pas en cause la performance des vêtements, notamment au niveau des zones singulières que sont les cols, les manches, les coutures, les fermetures...

Pendant les essais, chaque sauveteur est vêtu de sous-vêtements dont la couleur permet un contraste fort, selon que le tissu est sec ou mouillé. Après chaque séquence expérimentale, les T-shirts sont pris en photo. Ces clichés permettent de répertorier les cas de pertes d’étanchéité, de les localiser et de les corréler aux événements particuliers décrits (envol de capuche, fermeture de col insuffisante…) et aux conditions climatiques. Les sous-vêtements sont également pesés mouillés, puis secs, de manière à quantifier le poids d’eau infiltrée.

La SNSM en bref…

  • 235 stations de secours en France
  • 6 000 sauveteurs, dont 3 500 embarqués bénévoles et 2 400 nageurs-sauveteurs
  • 800 formateurs

…pour près de 600 vies sauvées par an d'une mort certaine !