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Philippe Madec : "Vers un autre usage du monde"

Maison du parc écologique Izadia à Anglet, au cœur du pays basque

Philippe Madec se pose volontiers en héritier du "Régionalisme Critique" de Kenneth Frampton -célèbre critique et historien - pour lequel il s’agit de formuler des réponses attentives au climat, au sol, à la culture et aux usages sans renier le progressisme qui caractérise la modernité. Reprenant fait et cause pour un acte de construire investi par le partage et la nature, l’architecte, invité le temps d’une "Carte blanche" organisée par le CSTB et Archinov, explique qu’au-delà des développements techniques, industriels et politiques du Mouvement Moderne, "il existe une voie possible pour une architecture qui ne se retranche pas complètement derrière une culture populaire ou derrière la culture savante des architectes et des ingénieurs."

L’architecture comme partage

Sans succomber au mimétisme local ou au régionalisme tout court, les projets pour la commune de Plourin-lès-Morlaix illustrent parfaitement le travail de Philippe Madec. Dans ce petit village du Finistère nord, une œuvre au long cours commencée il y a 17 ans,"ne se fait pas sans les habitants, développe-t-il. Et les bâtiments projetés, évidemment différents de ceux que la population a l’habitude de côtoyer, y trouvent toutes les bases d’un accord durable, l’enjeu n’étant pas de savoir qui a l’autorité sur le projet mais ce qui fait l’autorité du projet." En d’autres termes, le projet, somme des accords entre les parties, doit s’envisager comme un partage. Partage des ressources naturelles, de l’espace public, d’une identité locale et d’un lieu à une époque donnée. A Plourin-lès-Morlaix, le travail sur le rapport entre le ciel et le sol, la mise en œuvre de pierres extraites des carrières avoisinantes pour faire fonctionner les filières locales ou encore la réflexion commune dans le cadre des actions de concertation avec la population résidente en sont sans doute les meilleurs exemples.

La technologie, une réponse partielle

Pour cet ancien enseignant de l’École Nationale Supérieure du Paysage, l’architecture pourrait se définir comme une entreprise d’installation de la vie dans une matière disposée avec bienveillance. "Parallèlement, les démarches de Haute Qualité Environnementale n’ont pas vocation à proposer une manière de faire du projet architectural et s’affirment très clairement comme des procédures de construction." Impliquant des dispositifs techniques qui peuvent avoir un impact sur l’image d’un bâtiment, elles ne proposent pas d’esthétique à proprement parler. Pour preuve, tous les concepteurs qui s’intéressent à l’environnement ne perdent pas leur style personnel. Familier des systèmes de ventilation naturelle, de récupération des eaux pluviales ou des systèmes de protection solaire, Philippe Madec explique que la réponse environnementale exclusivement technologique, condition nécessaire au développement durable, n'est pas forcément suffisante.

Son œuvre architecturale et urbaine s’inscrit dans un cadre environnemental plus large, "enraciné dans une terre et ses ressources", comme il aime à le souligner. Sur la commune de Pacé, près de Rennes, le projet urbain de développement ne se fait pas le long d’une voirie de plus dans un paysage de lotissement, mais se nourrit de la topographie du lieu : les fonds de vallée inondables, qui sont aussi des corridors écologiques, sont destinés à devenir de véritables éléments fédérateurs du territoire.

A Anglet, au cœur du pays basque, la maison du parc écologique Izadia a été imaginée sur pilotis afin de limiter son impact sur l’écosystème lié à deux étangs d’eau saumâtres. Le bâtiment sans ascenseur, dont la longueur correspond à celle nécessaire à l’implantation de la rampe d’accessibilité, se compose presque exclusivement de bois de pin Douglas et de Mélèze, matériaux renouvelables à très faible énergie grise.

A Dinan, dans le cadre d’une réhabilitation de casernes militaires, où 60% des bâtiments ont pu être préservés, le parti pris de garder des espaces sans affectation immédiate, crée les conditions d’une vraie mixité future et de l’adaptabilité du projet à plus long terme, lorsque les besoins ou les demandes auront évolués.

"Aujourd’hui, la voiture consomme moins, pollue moins, mais les gaz à effet de serre ont continué d’augmenter, ajoute Philippe Madec. Cela signifie que la technologie n’apporte pas à elle seule une réponse capable d’envisager un environnement durable." A Dinan, Anglet, Pacé ou ailleurs, comme pour l’automobile, c’est bien "vers un autre usage du monde" qu’il nous invite à nous tourner.

 

Maison du parc écologique Izadia à Anglet, au cœur du pays basque