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Des indices pour qualifier la qualité d’air des lieux clos

L’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur travaille à l’élaboration d’un indice de qualité d’air depuis 2006 qui permettrait de connaître l’état de pollution de l’air dans les lieux de vie clos. L’élaboration d’un tel indice est complexe du fait des milliers de polluants chimiques, physiques et microbiologiques pouvant être présents dans l’air des bâtiments, de manière hétérogène dans l’espace et le temps. Il s’agit également de trouver un ou plusieurs « traceurs » de cette pollution. Cependant, l’absence de valeurs de gestion permettant de se positionner par rapport aux niveaux de pollution mesurés complique la tâche. S’ajoute à cela la difficulté de trouver des leviers d’actions à mettre en œuvre dans les situations identifiées comme problématiques.

Il existe déjà une dizaine d’indices sur la qualité de l’air intérieur (élaborés en France, aux Etats-Unis ou à Taiwan) dans différents types de lieux, notamment les logements et les bureaux. Ces indices sont différents dans leur construction, dans la pondération des polluants pris en compte, au niveau des valeurs de références utilisées. Mais surtout, les très rares retours d’expériences sur l’utilisation des indices, leur appropriation par les utilisateurs et leur coût d’utilisation montrent que ces indices ne sont plus utilisés sans que les auteurs n’en donnent la raison, montrant toute la difficulté de leur appropriation.

Approche de la psychologie sociale et environnementale

Pour analyser les motivations et les risques perçus relatifs à l’élaboration d’un indice simple et utile au niveau national et permettre une meilleure adéquation entre les modalités de sa mise en place et ses utilisateurs potentiels, une enquête qualitative exploratoire a été menée auprès de gestionnaires de bâtiments (logements, tertiaires et scolaires), des commanditaires de l’indice…. Les difficultés perçues ne sont pas uniquement techniques. Ainsi, la dimension de la temporalité apparaît dans les préoccupations des acteurs. Questionnées sur le moment où la mesure de la qualité de l’air serait la plus appropriée, les personnes interviewées estiment que l’indice devra refléter la qualité de l’air des bâtiments aux différents stades de sa vie : construction, livraison, une semaine ou un mois après la livraison, à la rénovation et quelques semaines plus tard en fonction de l’évolution des matériaux ou de l’utilisation des bâtiments.

De nombreux autres critères, psychosociaux et psycho-environnementaux, sont à prendre en compte pour que cet outil réponde aux attentes formulées par les Pouvoirs publics et l’OQAI qui le développe. En effet, "l’indice est davantage représenté comme une menace et les risques perçus sont pléthores : risques sanitaires, sociaux, psychologiques, économiques et juridiques. La dimension comportementale est prépondérante dans la gestion du risque et l’indice doit être accompagné d’une réflexion sur les conditions de son appropriation". Car l’enjeu n’est pas financier, il est dans la mise en œuvre, dans la pratique de tous les jours.

L’information donnée par les indices doit être en lien avec les actions d’amélioration. Au-delà du rôle des bâtiments et de ses équipements mis en exergue (on sait qu’ils peuvent émettre plus ou moins de composés organiques volatils selon leur ancienneté), il y a consensus sur l’importance du comportement des usagers d’un bâtiment sur la qualité de l’air intérieur. L’espace de l’intimité est difficilement observable. Il serait vain de livrer un immeuble avec une bonne qualité d’air intérieur à vide si les comportements sont inadaptés du fait des différentes activités polluantes, comme la cuisson sans ventilation/aération, la sur-occupation, le mauvais réglage des thermostats, l’utilisation de multiples produits désodorisants, aérosols et produits d’entretien, l’ameublement émissif ou ciré, la fumée de tabac, les activités de bricolage…

Informer, expliquer, connaître

Les conclusions de l’étude montrent que l’indice pourrait constituer un élément déclencheur d’une prise de conscience populaire de la qualité de l’air intérieur. Car ce sujet est encore peu connu et accompagné d’idées reçues avec lesquelles il faudrait rompre. Parmi elles, la conviction que la pollution de l’air "se sent" ou que les parfums d’intérieur assainissent l’air. Bien au contraire, la pollution ne se traduit pas forcément par de mauvaises odeurs et les parfums d’intérieur, pouvant contenir des COV, sont susceptibles de rajouter des polluants chimiques à un air certainement déjà "chargé".

Pour Séverine Kirchner, responsable scientifique de l'OQAI, "ces indices seront destinés à éveiller et sensibiliser les différents publics que sont les gestionnaires de bâtiments, les Pouvoirs publics et les habitants à la qualité de l'air intérieur, en vue de modifier les comportements et de prévenir les risques comme les maladies respiratoires ou les situations de calfeutrage nuisibles à la santé." Une culture de la qualité de l’air intérieur reste encore à construire grâce à un accompagnement de la population par des outils de sensibilisation et d’information afin de favoriser l’usage – et le bon usage - de ces indices.

On le voit, la possibilité de mesurer la qualité de l’air intérieur renvoie à une meilleure connaissance de l’environnement intérieur et des polluants qui le caractérisent. L’indice est attendu comme le moyen de mesurer l’ampleur du problème d’un point de vue environnemental, mais aussi sanitaire. L’enjeu repose donc sur le développement de leviers d’action, qu’ils soient réglementaires, techniques ou comportementaux. 
 

Un groupe de travail dédié

L’étude sur les motivations et les risques perçus relatifs à l’élaboration des indices a été réalisée par le CSTB au sein du groupe de travail "Indices de qualité de l’air intérieur" de l’OQAI auquel participent le CSTB, le Laboratoire d’Hygiène de la Ville de Paris (LHVP), l’Agence Française de Sécurité Sanitaire de l’Environnement et du Travail (AFSSET), Aéroports de Paris, l’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique (APPA), Fractal, l’INERIS et l’OPAC de Paris. Elle a été financée par les ministères en charge du Logement, de l’Ecologie, de la Santé ainsi que le CSTB.

Indice de contamination en moisissures opérationnel

L’OQAI a d’ores et déjà déterminé un indice spécifique pour connaître la contamination due aux moisissures. Il est applicable à tous les lieux de vie, seul ou en association avec d’autres traceurs de pollution. Basé sur des travaux expérimentaux en laboratoire et l’exploitation des données de la campagne nationale menée dans les logements par l’OQAI, cet indice a pu être mis au point selon une technique originale basée sur l’identification de composés organiques volatils (COV) spécifiques qui ont servi de traceurs et qui ont permis de détecter le développement fongique dans les environnements intérieurs. Il a été appliqué sur les données de la campagne nationale « logements » en parallèle avec les données descriptives sur la présence de moisissures. Sur les 496 logements qui ont fait l’objet de l’étude, près de 40% seraient contaminés par des moisissures dont environ 70% sans signes visibles de moisissures. D’où l’intérêt du développement d’une telle méthode "traceuse".