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Vent d'ouest...

C'est simple : il n'existe que dix laboratoires comme celui-ci dans le monde. Une hauteur ou une forme hors réglementation ? Un problème de sécurité ou un souci de confort ? Des questions sur un comportement vibratoire ? La réponse est apportée par la modélisation physique sur maquettes à échelle réduite, fabriquées pour la plupart, dans les ateliers du CSTB de Nantes. Les équipes de cette soufflerie atmosphérique travaillent sur trois différents types de maquettes. D'abord les plus compliquées : les reproductions de structures aéroélastiques. Ensuite, les plus utilisées : les maquettes de pression et de force. Enfin, les maquettes d'ambiance climatique, qui de nos jours, ont le vent en poupe !

Différences...

Christian Barré, ingénieur, explique : « Le vent agit de deux façons : il pousse ou il tire ! Les maquettes de pression et de force permettent de calculer le dimensionnement des ouvrages au vent, dimensionnement des façades comme celui des fondations. Dans ce cadre, nous avons travaillé pour de nombreuses tours de la Défense. » Il s'agit évidemment de répondre aux critères légaux en vigueur dans le domaine de la construction. « A l'inverse des grands ponts, pour ces bâtiments, résume Christian Barré, le comportement vibratoire n'est pas prédominant : ce sont des constructions raides. Le poids non plus n'est pas un problème : l'épaisseur des façades peut être augmentée sans menacer la faisabilité technique du projet.  il suffit d'augmenter l'épaisseur des enveloppes. A contrario, l'étude aérodynamique permet d'optimiser le dimensionnement du projet et éventuellement, de réaliser des économies ! »

La problématique est autre pour les maquettes d'ambiance. Dans celles-ci, il s'agit de reproduire fidèlement les formes des bâtiments ainsi que la distribution des pleins et des vides, de manière à pouvoir mesurer les écoulements internes ou externes. Sophie Moreau, ingénieur ambiance climatique, prend deux exemples. « Pour le stade d'Istanbul, nous avons travaillé sur l'aire de jeux des athlètes. La réglementation est très stricte : pour homologuer les records, la piste doit être bien protégée du vent. Sinon, actuellement, nous travaillons sur l'aménagement "Seine Arche" D'où une collaboration avec des paysagistes, des urbanistes. »

...et points communs

Reste néanmoins que dans les trois cas, les équipes travaillent avec les mêmes interlocuteurs : architectes, bureau d'études, maître d'ouvrage… Dans les trois cas aussi, les matériaux utilisés pour les maquettes n'ont rien à voir avec ceux utilisés pour l'ouvrage grandeur nature… Précision de Christian Barré : « Ne perdons pas de vue que nous cherchons à mesurer les effets du vent, pas à concevoir une maquette qui présenterait la même résistance au vent que le bâtiment réel ! » Le plexiglas est ainsi particulièrement apprécié pour les maquettes de force et de pression : il s'usine facilement et sa transparence laisse voir les capteurs de pression. Enfin, plus inattendu, ces maquettes, ne sont pas toujours des reproductions géométriques fidèles ! La maquette d'Ariane 5, par exemple, présente un aspect différent de celui du lanceur réel. Elle réintègre, en effet, le comportement aérodynamique - en l'occurrence, les écoulements observés autour du corps du lanceur - sous forme de stries en relief. Mais fidèle ou pas, il s'agit de ne pas se tromper ! Et si les équipes de Nantes sont connues dans le monde entier, c'est certainement parce que ces hommes connaissent leur métier…

A-é-ro-é-las-ti-que

Olivier Flamand, Chef de projet Aérodynamique des Structures.

Qu'est-ce qu'une structure aéroélastique ?
Quand un objet se déforme dans le vent, il rentre en interaction avec lui : cela créé de nouvelles forces qui, à leur tour, créent de l'accélération. Pour être plus clair, une structure aéroélastique désigne tout ce qui bouge et vibre au vent. Cela peut être une tour, un pylône et évidemment, du fait de leur portance, un viaduc ou un pont…

Quelles sont les spécificités des maquettes aéroélastiques ?
D'abord, ce sont les plus compliquées à faire parce que justement, il faut reproduire en miniature la souplesse de la vraie structure - c'est-à-dire, réintégrer les forces et l'accélération dont je parlais à l'instant. Évidemment, ce sont les plus longues à créer et donc, les plus chères.

Avec quels matériaux travaillez-vous ?
Avec des matériaux composites comme des résines ou des mousses ultra légères ; avec toutes sortes d'alliage : aluminium, acier, zinc, inox, plomb, etc. Et bien sûr avec de la colle !

Comment choisissez-vous tel matériau plutôt que tel autre ?
On recherche d'abord des caractéristiques propres à la dynamique de la structure originale : de la densité, de la raideur, de l'amortissement etc. On tâtonne, on teste, on ajuste, on revalide, on note systématiquement ce que l'on fait car ici, plus qu'ailleurs, on ne maîtrise pas tout…

Mais c'est de l'empirisme !
C'est vrai, que c'est une question d'expérience. On pourrait même dire que le solde de nos erreurs garantit nos succès d'aujourd'hui !

La machine à rétrécir le temps

Le saviez-vous ? Dans une soufflerie atmosphérique, tout est en quelque sorte "comprimé". C'est une question de mise en proportionnalité. L'espace, ainsi que l'échelle des bâtiments, sont naturellement réduits et, par rapport à la réalité. Le vent souffle plus doucement et le temps y passe plus vite ! Ainsi, pour les prises de mesure de la maquette du théâtre d'Orange, de deux à trois minutes de test ont suffi, pour chaque angle de 10 degrés, à caractériser les effets de pression sur le "vrai" théâtre durant deux "vraies" heures de notre temps !

Grandeur nature

On l'a appelé la soufflerie "Jules Verne" mais on aurait pu l'appeler la soufflerie Éole ! Ici, en effet, la nature et les dieux se déchaînent : neige, givre, sable, vent jusqu'à 280 km/h, températures allant de -25 à + 55 C°, les hommes n'ont qu'à bien se tenir ! Mais il s'agit surtout de répondre à la demande croissante de certains industriels - notamment constructeurs automobiles et équipementiers : reproduire, tester et contrôler l'effet de n'importe quel climat du globe sur leurs produits. Aujourd'hui, le secteur de l'automobile représente à lui seul un quart du chiffre d'affaires de l'activité "soufflerie" du CSTB. On vérifie l'étanchéité des coffres de voiture ou l'efficacité des essuie-glaces ; on analyse (en ajoutant un révélateur coloré à l'eau), la résistance des vitres, des phares ou des rétroviseurs, au phénomène de salissures. Restent certaines applications, plus étonnantes encore. Les équipes de la soufflerie Jules Verne se souviendront longtemps de cette mannequin aux yeux bridés venue tester pour une marque de cosmétiques, un nouveau fond de teint destiné à l'Asie. On l'a enfermée dans cette soufflerie climatique en recréant la chaleur des tropiques… Il faisait 35 ° C et le taux d'humidité était de 90 % !