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Une sous-station électrique reconvertie au photovoltaïque

La stratégie de reconversion du bâtiment paraissait évidente. Désaffecté depuis de nombreuses années, il s’agissait d’y installer, sur près de 8 000 m2, des activités secondaires ou tertiaires et de dynamiser l’emploi sur une portion de territoire plutôt morose du 14e arrondissement. Avec ses piédroits en meulière et ses arcs déprimés, l’ouvrage, édifié dans les années 20, ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection patrimoniale. Emmanuel Saadi, sensible au caractère industriel du monolithe arborant en lettres céramiques son usage et son statut, explique que l’intervention a été imaginée sans en modifier l’image et l’identité. Mieux que cela : l’intérêt de l’édifice paraît avoir été magnifié en circonscrivant l’opération à la création de surfaces de plancher à l’intérieur des volumétries existantes, hormis une petite surélévation en toiture et à la mise en forme particulièrement réussie d’un simple outil de production électrique : le photovoltaïque.

"Avec son unique plancher percé, l’espace intérieur d’origine ne ressemblait pas à grand-chose avant d’être entièrement rénové et entresolé", expose Emmanuel Saadi. La seule modification de gabarit, inspirée par le noyau central existant se prolongeant en toiture par un édicule dédié à la ventilation, a consisté en la création d’un vaste espace de réception sous une verrière de 20 mètres de portée, elle-même bardée de milliers de cellules photovoltaïques, avec vue sur Paris et sa banlieue. En même temps, la mise en place d’un platelage bois parcouru par des champs de lavande a permis de rendre accessible l’ensemble de la terrasse.

 

45 000 cellules photovoltaïques

Au total, ce ne sont pas moins 45 000 cellules qui ont été incorporées au bâtiment, y compris sur les garde-corps de la terrasse, pour une production prévisionnelle de 60 à 80kW/h, au regard d’une puissance de crête installée de 123 kW. Véritable filtre solaire, et traité comme un matériau à part entière, le vitrage photovoltaïque, constitué de cellules de 260 microns noyées dans une résine de 2 mm d’épaisseur entre deux verres durcis ou trempés, se décline dans toutes les situations imaginables. Sur la terrasse, 80 m² de plancher extérieur en verre renforcé par un vitrage feuilleté structurel, ont ainsi été posés.

Ironie de l’histoire : l’électricité produite par les types de dispositifs intégrés de l’ancienne sous-station de la Compagnie de Distribution Parisienne promet d'être rachetée par Électricité De France (EDF). Mais au delà de simples économies d’énergie, l’architecte défend l’idée d’un développement durable étayé par une plus-value architecturale. Les systèmes mis en œuvre dispensent par exemple de l’installation de protections solaires plus classiques comme les brise-soleil et les similitudes d’aspect entre la maçonnerie en meulière poreuse et les baies vitrées aux cellules polycristallines réparties de manière quasi-aléatoire confèrent au bâtiment son unité et sa qualité plastique.

Deux ATEx délivrées par le CSTB

Pour Michel Cossavella et Jean-Louis Galéa, ingénieurs en charge des Appréciations Techniques d’Expérimentation (ATEx) pour le CSTB, l’évaluation en termes de sécurité, de faisabilité et de risques de désordres s’est principalement focalisée sur deux difficultés : le comportement des joints de scellement périphérique des vitrages et l’intégration des câbles électriques dans les feuillures des menuiseries aluminium.

En opacifiant les surfaces vitrées, les cellules photovoltaïques provoquent en effet une élévation de température qui doit pouvoir rester acceptable afin d’éviter le décollement des joints et l’embuage de la lame d’air des vitrages isolants. Quant au passage des câbles dans les menuiseries aluminium de faible largeur, il s’agissait d’écarter la création de points faibles préjudiciables à la sécurité et de préserver l’étanchéité à l’eau de la verrière en prévenant l’engorgement des canaux de drainage. La réalisation des ouvrages supposait par conséquent un contrôle très précis de la conception et de la tolérance de mise en œuvre de la part des entreprises.

Jean-Pierre Nauleau, responsable des façades pour la société Goyer, confirme qu’un important travail préparatoire s’est avéré indispensable, y compris dans l’adaptation des profilés à la nature de l’opération : "Le nombre de cellules photovoltaïques varie selon l’exposition solaire. La façade sud sur rue est, par exemple, beaucoup plus dense que les façades latérales, exposées à l’est et l’ouest. Et leurs répartitions sont différentes sur chacun des blocs-panneaux." Soucieux du détail et de l’inscription de la modernité dans l’unité, Emmanuel Saadi explique que la pixellisation d’une photographie de la pierre meulière a guidé les choix de répartition des cellules et les plans de calepinage. "Il fallait magnifier l’inscription existante du fronton en faisant un bâtiment qui, grâce à la beauté des cellules photovoltaïques, rayonne sur un quartier durablement ancré dans l’histoire".