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Gestion urbaine redynamisée aux Minguettes

La demande initiale émanait de l'association des bailleurs sociaux présents sur le quartier des Minguettes, à Vénissieux (banlieue de Lyon) et du Grand projet de Ville (GPV*) : « La rénovation urbaine va transformer le quartier mais nous voudrions aussi améliorer sa gestion, que pouvez-vous nous proposer ? » Contactés fin 2005, Jean Bouvier et Michel Bonetti, sociologues au CSTB, ont proposé de mettre en œuvre une démarche de projet de gestion de site, qu'ils expérimentent avec succès depuis plus de cinq ans, à Marseille et Saint Nazaire.

De quoi s'agit-il ? « De considérer la gestion d'un site ou d'un quartier comme un tout, résume Michel Bonetti, directeur de recherche. Notre originalité vient de ce que nous traitons aussi bien la gestion des bâtiments et des parties communes, que celle des abords, des espaces verts, des accès, des parkings... Car tout doit être pris en compte lorsqu'on parle de qualité de gestion de l'habitat. Le deuxième point fort de notre démarche est de former les acteurs en même temps que nous initions des actions. C'est ce que nous appelons une formation-action, qui permet de pérenniser ensuite la qualité de la gestion de proximité. »

Aux Minguettes, le CSTB a ainsi créé un groupe de travail associant les trois principaux bailleurs ALLIADE, OPAC du Rhône et OPAC du Grand Lyon, ainsi que la communauté urbaine de Lyon (« le Grand Lyon ») et la commune de Vénissieux. Il a proposé une démarche de projet de gestion de site sur trois sous-quartiers : Darnaise, Les Pyramides et Léo Lagrange (soit sur 1 500 logements au total, et pour 5 000 habitants environ).

"Diagnostic en marchant"

« Tout commence, explique Michel Bonetti, par ce que nous appelons le "diagnostic en marchant" sur chaque sous-quartier. Lire l'espace dans lequel on vit ou on travaille au quotidien n'est pas naturel : on ne le voit plus. Avec les acteurs de la gestion, c'est-à-dire les gardiens, les agents publics et leurs responsables, nous faisons une observation attentive des immeubles et des espaces extérieurs du quartier. Ensemble, nous listons nos constats, les atouts et les faiblesses du sous-quartier. »

Rien n'échappe aux regards croisés des "observateurs". Les espaces verts sont bien entretenus, certes, mais les espaces en pied de tours sont dégradés. Les halls d'entrée sont nettoyés mais pas les paliers d'étage. « On voit souvent, commente Michel Bonetti, une accumulation de petites défaillances dans la maintenance et la gestion des espaces communs, qui finit par donner à l'ensemble un aspect dégradé. »

Certaines zones sont mal identifiées : par exemple, les parkings et espaces résidentiels ne se différencient pas. « C'est un point important, poursuit Michel Bonetti. Quand les espaces sont confus, des conflits d'usage apparaissent. Ainsi, si les traçages de parking sont effacés, les voitures sont garées n'importe comment et cela engendre des conflits. A l'inverse, lorsque les places sont bien délimitées, la règle inscrite au sol est tout naturellement respectée. Inscrire la règle dans l'espace modifie les comportements. »

Plan d'actions et équipe projet

Ce premier diagnostic est complété par une analyse de l'organisation de la gestion : quels sont les intervenants (gardiens, jardiniers, cantonniers...) ? Quel est leur mode d'intervention, leur encadrement ? Les coûts, les indicateurs de gestion et de peuplement sont aussi intégrés à l'analyse-diagnostic. Au final sont identifiés les enjeux d'amélioration de la gestion du sous-quartier et une stratégie d'action est retenue pour le projet.

Un plan d'actions progressif (généralement sur trois ans maximum) est alors dressé. Il n'est pas limité à l'amélioration fonctionnelle des prestations de gestion (nettoyage, entretien des espaces) mais conjugue ces actions avec des réaménagements (halls, aires de jeux ....) et des modifications d'organisation (restructuration d'équipes locales, déplacement de gardiens sur des zones sensibles, renforcement des contrôles...).

Ce plan d'actions identifie les budgets et le responsable de chacune des actions à conduire. La coordination de l'équipe-projet ainsi constituée est confiée aux agents de développement du GPV, la structure qui met en ?uvre, dans le cadre du GPV, les transformations du quartier. Après validation par les bailleurs et les collectivités locales (ville et communauté urbaine), les actions peuvent démarrer. Aux Minguettes, c'est chose faite. La mission du CSTB a duré de janvier à octobre 2006. Désormais, celui-ci suivra régulièrement l'avancement du projet.

L'impact sur les relations sociales

« Notre objectif était de transférer une méthode, afin que les gestionnaires puissent conduire seuls ce travail ultérieurement, rappelle Michel Bonetti. Pour nous, il s'agit bien sûr d'améliorer les conditions de la vie quotidienne mais aussi, à terme, les relations sociales. On peut réduire l'incivilité et les petites agressions en redonnant place à l'humain dans l'espace. Prenez les aires de jeux : dégradées, elles sont vides. Correctement aménagées et bien tenues, elles attirent les mères de famille qui veillent sur leurs enfants et ont un effet pacificateur sur le quartier. Nous sommes convaincus que les modes de gestion de la ville ont une influence directe sur les conflits, l'insécurité et la délinquance. C'est tout l'enjeu de nos projets. »

*GPV : Grand projet de ville, structure qui rassemble tous les acteurs (Etat, ville, communauté urbaine, bailleurs) et qui met en ?uvre les transformations des quartiers.

Vers une certification de la gestion de quartier ?

Entre 2000 et 2005, la démarche de projet de gestion de résidence ou de site a été expérimentée par le CSTB avec des bailleurs sociaux. Cette démarche a donné lieu en 2006 à la certification QUALIrésidence(s), mise en place par CertiVéA et le CSTB en coopération avec l'Union sociale pour l'habitat et le ministère de l'Equipement. « Nous souhaitons désormais aller vers une certification de la gestion de quartier, indique Michel Bonetti, toujours dans le même esprit d'adapter et de mieux articuler les modes d'intervention et les organisations qui les portent. »

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