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Effets cycloniques anticipés pour ouvrages d'art réunionnais

L'île de La Réunion fait partie d'une région de l'océan indien où peuvent survenir des cyclones pendant la saison chaude, de novembre à avril. En dehors de ces redoutables cataclysmes, le climat est généralement humide et la chaleur modérée par le souffle des alizés. Le relief montagneux joue un rôle important.

L'île est divisée en trois types de régions climatiques. Les "Hauts", qui dominent l'ensemble de l'île : des plateaux au fond de cirques formés par les éruptions volcaniques. La "côte au vent" est la partie directement exposée aux alizés. A l'opposé, au nord-ouest et à l'ouest, la région est "sous le vent", à l'abri du relief. C'est là que la route des Tamarins sera élargie. En bordure de mer et adossée au rocher, c'est la principale voie de communication qui fait le tour de l'île. La montagne très proche offre au vent un plan incliné qui accélère brutalement sa vitesse et infléchit sa direction. Dans ces conditions, un tablier de viaduc proche de l'horizontale pour assurer la stabilité des véhicules, subit des efforts de portance comparables à ceux exercés sur les ailes d'un avion.

Comment mesurer les effets de ces perturbations en cas de cyclones ? Comment savoir si l'ouvrage pourra résister ? « Nous avons défini les vents et les propriétés aérodynamiques des ouvrage », explique Gérard Grillaud, expert vent environnement au CSTB de Nantes. Deux types d'approche ont été réalisés. L'une, numérique, a consisté à utiliser des codes de mécanique des fluides adaptés à la couche limite atmosphérique. « Le point fort de ce procédé est de modéliser une zone assez vaste tout en gardant une bonne précision », commente Gérard Grillaud. Autre approche, complémentaire : "passer" en soufflerie une reproduction topographique du projet. « La soufflerie donne beaucoup plus d'informations sur les caractéristiques des turbulences. C'est important car, les ouvrages d'art situés sur la route des Tamarins traversent plusieurs ravines. Or, le vent est fortement influencé par le relief, et les turbulences induites par ces accidents de terrain sont particulièrement élevées. Ces phénomènes doivent donc être étudiés avec attention. »

Conditions extrêmes

Pour le CSTB, il s'agit de définir le vent "caractéristique" que les Bureaux d'études vont utiliser pour leurs calculs. Si la côte ouest, où seront construits les ouvrages, est à l'abri des alizés, il n'en reste pas moins que les cyclones ont un parcours chaotique et qu'ils peuvent donc y survenir. Les perturbations sont alors sans commune mesure avec ce que l'on observe habituellement. Ce sont donc des conditions extrêmes qui ont été retenues, des événements météorologiques rares mais possibles estimés par approche statistique sur une période de "retour" de 50 ans. Par sécurité, on applique aux actions déduites de ces vents caractéristiques un coefficient de majoration pour se prémunir d'événements plus rares donc encore plus sévères.

Les résultats obtenus par calculs et les observations relevées sur maquettes expérimentales ont été comparés : les valeurs sont très proches. Une compilation des résultats numériques et expérimentaux a été conduite pour chaque ouvrage. Chaque direction de vent a fait l'objet d'un modèle de manière à permettre aux équipes de conception d'évaluer les dimensionnements correspondant de la structure.

La géométrie des ouvrages eux-mêmes a été étudiée pour pouvoir évaluer Le comportement de la construction sous l'effet du vent. Des maquettes de section d'ouvrage, fidèles représentations du tablier en cours de pose ou en service avec tous les équipements, ont été étudiées dans la veine de la soufflerie. Les phénomènes d'instabilité ont été mesurés. Des coefficients aérodynamiques ont été associés aux modèles de vent. Ils ont permis d'estimer le comportement de chaque ouvrage soumis aux vents cycloniques.

Lorsque les constructions seront achevées, il est prévu de vérifier sur site les hypothèses retenues par calculs et expérimentations. Ce sera le rôle du "monitoring" de relever les déplacements, les vibrations et les efforts d'un ouvrage et les conditions réelles de vent. Ces mesures apporteront aux équipes de maintenance et aux concepteurs de futurs ouvrages un important capital d'informations.