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Brigitte Métra : une expérience conceptuelle au cœur du contexte

Brigitte Métra

Tout a commencé à Dole, en Franche-Comté, avec un concours pour une salle polyvalente de l’autre côté du Doubs, en face de la vieille ville. Avec l’avantage du terrain, l’architecte d’origine doloise remporte le concours en 2002 et monte sa propre structure, Métra + Associés. Mais cette émancipation professionnelle ne remet pas en cause un héritage, une expérience et une manière de concevoir les projets acquis dans les ateliers de Jean Nouvel que Brigitte Métra résume sous deux maître-mots : concept et contexte.

Architecture et métamorphoses

A Dole, le contexte est celui d’un ancien terrain industriel, situé dans la ligne de mire de l’église collégiale que cerne la concrétion de toits et de pierres de la cité médiévale. La salle doit pouvoir être transformable pour accueillir des spectacles, du sport ou des congrès. « Comment construire un bâtiment contemporain face à une ville magnifique ? », interroge Brigitte Métra avant d’évoquer les idées de disparition et de révérence à l’histoire. La façade principale, effacée et très présente à la fois, est conçue comme un miroir reflétant le paysage et le clocher de la Collégiale. Quant aux autres parties de l’enveloppe en béton et pierres calcaires régionales, changeantes au fil des saisons, elles ont été recouvertes d’une végétation que porte une résille inox.

 

 

Cette flexibilité du programme, des espaces et des façades trouve son prolongement un peu plus tard, en 2004, avec un concours perdu pour le Centre Culturel de l’Arctique en Norvège placé sous le thème de l’aurore boréale ou plus récemment, en 2009, pour la construction du théâtre de Perpignan où la modularité permet d’ajuster la jauge et l’intimité de la salle de spectacle. A Besançon, les façades de l’unité de production Sophysa sont entièrement recouvertes de brise-soleil plus ou moins occultant selon les besoins intérieurs des locaux. Le concept est celui d’une peau vibrante. Les ondulations qui parcourent le bâtiment sur toute sa longueur résultent d’un ajustement tous les 90 cm de l’inclinaison des lames en alu-zinc. Mais la respiration des façades est aussi celle de la vie. Dans cette usine de 76 mètres de long qui fabrique des valves chirurgicales vitales pour le traitement de l’hydrocéphalie, le plateau de production, entièrement situé à l’étage, s’organise comme le métabolisme d’un corps humain, structuré par un réseau fluide de circulation séparant les flux entrants des flux sortants.

Une Philharmonie innovante de type hybride

« Les projets d’architecture sont une accumulation de désirs et de visions d’un groupe d’humains et de ses partenaires, développe Brigitte Métra. En France, nous avons encore beaucoup à apprendre sur certaines formes de démocratie. En Suisse et au Danemark, j’ai travaillé de façon très différente. On cherche toujours un consensus. C’est plus long, mais on trouve une solution ensemble. » Pour le projet de Philharmonie à Paris, cette démarche paraît recouvrir tout son sens, alors que la réflexion typologique emboite le pas aux notions de concept et de contexte. La salle symphonique de 2 400 places est non seulement pensée avec les meilleurs acousticiens, mais aussi avec des musiciens et des compositeurs. Elle innove par sa conception enveloppante de type « vineyards », pondérée par certains dispositifs traditionnellement déployés pour les salles dites en « boîte à chaussures », comme ces balcons qui se superposent et qui permettent d’obtenir une distance maximale de 32 mètres entre la scène et le dernier spectateur. L’orchestre est au cœur du système, presque au centre de la salle, enveloppé par le public. Des nuages réfléchissants complètent une volumétrie entièrement tournée vers la qualité d’écoute, pour laquelle toutes les surfaces inutiles d’un point de vue acoustique ont été supprimées. Rendez-vous en 2012 avec un espace architectural et sonore dédié au répertoire symphonique, mais également conçu pour accueillir de la musique de chambre, du jazz ou des musiques du monde.