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Françoise-Hélène Jourda : "Vers une architecture responsable"

Pour Françoise-Hélène Jourda, un bâtiment est le résultat d’une action de recherche tout au long du processus de conception du projet avec les partenaires de maîtrise d’œuvre et les utilisateurs. Le résultat final n’est pas la conséquence d’un préjugé et d’un architecte isolé, mais l’aboutissement concerté d’une interrogation sur les ressources locales : "Je ne sais pas à quoi vont ressembler mes bâtiments quand je travaille. je m’interdis de me poser la question en termes stylistiques, précise-t-elle. Rendre un concours est quelque chose de terrible parce qu’il faut montrer des perspectives. Les images que je montre ne sont par conséquent pas celles du bâtiment, mais des illustrations. Des illustrations qui racontent une histoire. Mais en aucun cas, le bâtiment ne sera exactement ainsi. C’est impossible tant que tout le travail n’est pas fait !"

 

Tout reste à inventer

En élargissant la grille de critères de conception d’un projet afin qu’il ne se réduise plus à la forme, aux usages et à la fonction, l’architecture dite "durable" brouille les référents plastiques. "L’architecture est en train de changer, constate Françoise-Hélène Jourda. D’une certaine manière, tout reste à inventer." Les critères esthétiques aujourd’hui reconnus ne sont évidemment pas ceux de demain. Dans ces conditions, seul le sens mérite vraiment de la considération pour celle qui exerce également une activité de conseil en développement durable auprès des commissions techniques ou des collectivités locales. En d’autres termes, la pertinence préexiste à la forme.

Cette quête de sens trouve son expression dans des programmes très divers : une maison individuelle lyonnaise pour laquelle un parapluie en toile tendue couvre un habitat économique en bois contreplaqué, un musée botanique à Bordeaux dont les gros cailloux en béton projeté annoncent au visiteur un lieu dévolu à la nature, ou encore un immeuble de bureaux ultra-compact à énergie 0 en Seine Saint-Denis. Mais c’est réellement entre 1992 et 1999 que Françoise-Hélène Jourda a fait ses armes et complété sa formation avec le projet manifeste de l’académie de formation du ministère de l’Intérieur à Herne-Sodingen en Allemagne. Financée en partie grâce à des fonds européens, une grande serre bardée de 10 000 m² de cellules photovoltaïques abrite les éléments du programme en recréant naturellement un microclimat dont la courbe annuelle des températures est similaire à celle de Nice. La structure de la serre est entièrement réalisée en bois coupé et séché dans la forêt avoisinante, alors que l’ensemble produit 1 méga Watt crête pour un bilan énergétique largement positif.

Bâtiments compacts et transformables

A l’image du projet de Herne-Sodingen, l’œuvre de Françoise-Hélène Jourda est très régulièrement ponctuée de bardages ou de structures bois, "matériau par excellence du développement durable" selon ses propres termes. La halle de marché de la place du 8 mai 1945 à Lyon, les 87 logements sociaux à Rouen et la réhabilitation de la halle Pajol à Paris montrent, par exemple, qu’une architecture de facture contemporaine n’est pas forcément liée à l’utilisation du verre et de l’acier comme seuls composants possibles. Mais au-delà de la question de l’énergie grise des matériaux, l’architecte franco-autrichienne interroge de manière plus générale l’ensemble des pratiques constructives et architecturales actuelles. Peut-on se passer de la compacité pour réaliser des bâtiments à haute efficacité énergétique ? Comment contribuer au développement des pays émergents comme le Maroc avec un projet environnemental de résidences touristiques ?

Pour l’ouvrage en projet de l’immeuble de bureaux à énergie 0 à Saint-Denis, la question de la transformation du bâtiment, voire de sa démolition avant même sa construction, a été abordée avec le maître d’ouvrage. Le bâtiment ne devait pas être figé à une époque donnée. Il devait pouvoir être modifiable, démontable et recyclable, afin de pouvoir accueillir de nouvelles fonctions et de réutiliser au mieux les ressources mises en œuvre pour sa construction. Avec des façades légères non porteuses de 40 cm d’épaisseur et une structure constituées de poteaux métalliques avec des dalles préfabriquées en béton pour pouvoir être démontées, Françoise-Hélène Jourda oppose à l’idée de permanence, celle qui corrobore la définition la mieux entendue du développement durable : laisser aux générations futures la possibilité de répondre à leurs besoins.

Construction de 27 logements - Rouen
Eco-quartier de la gare - Clamart
Musée du jardin botanique - Bordeaux