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Composés organiques volatils : laissez vieillir les petits papiers !

Les études et les connaissances accumulées au fil du temps par le CSTB sur la mesure des composés organiques volatils (COV) dans les bâtiments l’ont amené à intervenir sur un programme de recherche très particulier : le vieillissement du papier. Difficile à première vue de voir un rapport quelconque entre ces deux thématiques. Et pourtant ! "Le Centre de Recherche sur la Conservation des Collections (CRCC) avait mis en évidence que certaines molécules, et notamment des COV, étaient émises dans l’air ambiant lors de la dégradation de la cellulose, relate Olivier Ramalho, ingénieur au CSTB. Mais le CRCC ne disposait pas des capacités pour en déterminer les quantités exactes. Aussi, courant 2006, dans le cadre d’un appel à projets du Programme national de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel, il a été fait appel à nos compétences en matière d’analyse et de mesure des COV." Quatre types de papier ont été testés par le CSTB, chacun d’eux résultant d’un mode de production bien défini : cellulose à base de pulpe de bois délignifié, cellulose à base de pulpe de bois non délignifiée, pure cellulose à base de coton selon deux procédés de fabrication l’un moderne et l’autre représentatif des papiers anciens datant d’avant le XIXe siècle. Des échantillons de chacun de ces types de papier ont alors été dégradés dans des chambres de vieillissement accéléré (température : 100 °C ; humidité relative : 50 %) durant des périodes allant de 2 à 30 jours.

Un modèle pour prédire le vieillissement du papier

Les équipes de recherche du CSTB ont procédé à la mesure comparative de l’émission des COV des papiers vieillis et non vieillis. Sur chaque échantillon, des "pièges" à composés organiques ont été posés et les molécules recueillies identifiées par chromatographie. Parallèlement, une relation directe a été observée entre la dégradation de la cellulose et la concentration des COV émis. "Une fois ces données en main, nous avons construit des cinétiques d’émission pour chacun de ces composés au regard de l’état des différents types de papier, poursuit Olivier Ramalho. Des analyses statistiques ont montré que ces derniers se répartissaient en trois groupes selon leur mode de fabrication avec, pour chacun d’eux, l’émission de molécules particulières en fonction de leur vieillissement. Ainsi, par exemple, les papiers "non délignifiés", souvent utilisés dans les livres du XIXe et du début du XXe siècle et jaunissant rapidement, sont source de furfural, de formaldéhyde, d’acide acétique et de vanilline ." A partir de l’ensemble des informations recueillies au cours du travail mené sur les différents échantillons de papier, le CSTB a développé un modèle mathématique prédictif de l’état de conservation d’un ouvrage en fonction des concentrations et des types de COV détectés. La modélisation a été testée – et validée – sur deux ouvrages anciens (un herbier du XVIIIème siècle et un livre de 1936) prêtés par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Un moyen efficace – et surtout non destructif – pour vérifier l’état de préservation du patrimoine "papier".

Les COV constituent des marqueurs de la dégradation des livres et autres documents en papier. En collaboration avec le Centre de Recherche sur la Conservation des Collections, le CSTB a participé à la caractérisation des composés émis et à la mise au point d’un modèle prédictif de l’état de dégradation.

Les organismes impliqués

Le Centre de recherche sur la conservation des collections est une unité mixte de recherche (UMR) associant le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Le Programme national de recherche sur la connaissance et la conservation des matériaux du patrimoine culturel est financé par le ministère de la Culture et de la Communication. Le rapport final du travail effectué conjointement par le CSTB et le CRCC a été remis courant 2009.