Christian Devillers : "Un développement durable à plusieurs échelles"
"Il n’y a pas de développement durable possible à une échelle isolée", affirme d’emblée Christian Devillers, pour lequel cette proposition a priori évidente se heurte souvent aux pratiques de la division du travail et aux logiques sectorielles, où chaque acteur se cantonne à son domaine ou aux réseaux qu‘il exploite. "Il ne suffit pas par exemple de réaliser des immeubles BBC, si nous nous demandons pas avec quel type d’énergie nous allons les alimenter." De la même manière, parler du transport revient à quitter l’échelle du bâtiment ou du quartier pour celle de l’agglomération. L’objectif du projet urbain est de tenter d’instaurer un rapport entre les différents secteurs et les différentes échelles d’aménagement et de construction : "Il n’est pas une inspiration d’artiste ou le geste souverain de celui qui sait, mais il permet d’établir la transversalité entre les logiques sectorielles pour produire un espace habitable, non pas seulement aménagé et équipé."
Vers plus de proximité
La ville, lieu d’échange socio-économique
Pour les projets de Reims ou de Rennes, Christian Devillers revient évidemment sur ces notions pour concevoir un cadre durable en s’appuyant notamment sur les infrastructures existantes, la nature, le relief, ou le régime hydrographique. A Rennes dans le nouveau quartier ViaSilva par exemple, "les constructions ne s’organisent pas autour des lieux de mobilité comme les routes et les carrefours. Elles s’organisent plutôt autour de la forêt, des corridors écologiques qui sont de grandes césures paysagères avec ses chemins d’eau, et des prairies basses où l’eau peut être accumulée et traitée avant d’être rejetée dans la Vilaine. Avec un objectif zéro tuyaux." Ces aspirations environnementales ont récemment valu à Christian Devillers et aux maîtrises d’ouvrage qui l’entourent, deux distinctions pour des projets à Grenoble et à Bordeaux, dont le Grand Prix National EcoQuartier 2009 pour la ZAC de Bonne. Mais au-delà d’une relation étroite avec le territoire, l’architecte-urbaniste ne s’en avance pas moins sur des terrains socio-économiques.
A Rennes encore, le programme prévoit le juste compte avec la construction de 40 000 logements pour 40 000 emplois créés. "C’est la ville de ViaSilva, lieu d’échange entre le social et l’économique qui est durable par nature", justifie-t-il à propos de l’opération "Cœur d’Orly" pour lequel le centre économique serait doublé d’un centre urbain qui lui fait actuellement défaut. "Le véritable intégrateur, le véritable créateur de valeur, ce n’est pas la zone d’activité, mais la ville! » Au niveau de l’îlot, cette réflexion sur les lieux d’échanges socio-économiques trouve son prolongement naturel à une échelle plus réduite. Christian Devillers développe en effet, depuis le grand projet urbain sur la Plaine Saint-Denis, des formes urbaines composées par des îlots "complexes" dont la mixité y est plurielle. Dans ces îlots, la mixité de déplacement et la mixité sociale cohabitent avec une mixité fonctionnelle et morphologique * : "La ville doit être mixte. Elle doit accueillir dans chacun de ses îlots toutes sortes d’habitat, de l’activité, et toutes sortes de morphologie. Nous militons contre cette division inventée au XXème siècle où les logements collectifs sont séparés des zones pavillonnaires. Cette division n’a pas provoquée à elle seule la ségrégation sociale, mais l’a merveilleusement bien accueillie."
* Mixité de déplacement : circulation douce, voie partagée à 20km/h…
Mixité sociale : juxtaposition de tous les statuts d’occupation (accession ou locatif social, accession libre, locatif libre…).
Mixité fonctionnelle : logement, activité, commerces, équipements…
Mixité morphologique : logements collectifs, intermédiaires, individuels.