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Une requalification urbaine du quartier Beaubourg Saint-Merri

Place Igor Stavinsky

C'est le quartier le plus ancien de Paris. Malmené par les percées d’Haussmann et l’implantation des Halles dès le 19e siècle et par la création du Centre Pompidou dans les années 70, le quartier Beaubourg Saint-Merri est en quelque sorte victime de son succès. L’afflux de touristes fragilise le fonctionnement social résidentiel. Sa requalification s’inscrit dans la lignée des objectifs du Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) de la Ville de Paris, via la mise en valeur du paysage architectural et urbain et le développement de la trame verte parisienne.

Le CSTB a mené une enquête approfondie dans le quartier avant d'établir un diagnostic et proposer la requalification la plus appropriée, en se référant notamment à l'Agenda 21 de la Ville de Paris.

  • Enquête exploratoire auprès des habitants, des commerçants et des usagers sur leurs pratiques et interactions sociales,
  • Analyse socio-urbaine de l’espace grâce à l’évolution historique, démographique et à l’organisation du quartier,
  • Analyse de la qualité de la gestion urbaine : entretien des rues, gestion de la sécurité…,
  • Etude du mobilier urbain et de l’espace paysage (quasiment inexistant),
  • Repérage des ambiances urbaines liées à la configuration de l’espace et aux activités (résidentielle, culturelle, touristique, noctambule, festive, routière…),
  • Analyse des activités commerciales,
  • Etude de l’éclairage,
  • Cartographie de la consommation énergétique (chauffage) et des nuisances (bruit, pollution, circulation automobile).

Cette radioscopie du quartier a permis d’identifier les fonctions des différents espaces et les lieux problématiques. "Elle a été présentée au cours d’une réunion publique, en février dernier, afin de faire un inventaire des attentes et des problèmes rencontrés par les habitants et commerçants. Ce qui nous a permis de valider notre analyse : la majeure partie des points mentionnés en réunion avaient été notés par le CSTB," précise Michel Bonetti, département Economie et Sciences Humaines du CSTB.

Quels sont les éléments problématiques ? La piétonisation excessive, le développement commercial en concurrence avec les commerces de proximité, les relations difficiles entre les différents secteurs, la dégradation de certains espaces créent fragilisent le fonctionnement et l’identité du quartier notamment pour les résidents.

Des orientations stratégiques guidant la réalisation de projets ciblés

Un cloisonnement en secteurs distincts indépendants qui tendent a se nuire

A partir du diagnostic, le CSTB a élaboré des orientations de requalification du quartier à long terme, pour une évolution des espaces à 20 ou 30 ans. Il faudra renforcer les espaces fragilisés (résidentiel et commerces) en raison du tourisme de masse et redonner sens aux rues en facilitant les interactions sociales et en faisant émerger des logiques transversales raccordant le quartier à son environnement.

Dans le cadre de ces orientations des actions ciblées associant les services de la Ville (voierie, urbanisme, police) sont également prévues à court terme : amélioration du mobilier urbain et de son agencement (signalétique, toilettes publiques, panneaux publicitaires…), amélioration de la circulation des piétons et des véhicules (kiosques à journaux à déplacer pour faciliter la circulation), requalification des pieds d’immeubles, des devantures et des terrasses.

Des projets localisés ont également été élaborés avec les services de la Ville et les conseils de rues (composés des habitants et des commerçants). Ils portent sur l’aménagement de la rue Rambuteau, de la Place Michelet (mise en place d’un square avec des jeux pour enfants), de la rue Aubry le Boucher et la Place Stravinsky (installation de bancs et plantation d’arbres) et de la rue des Lombards/Saint Merri, via une requalification complète de ce lieu noctambule problématique. Il existe en effet un conflit d’usage entre les habitants et les bars.

"Il est très important de noter qu’à aucun moment, la question de l’insécurité n’est apparue, que ce soit dans les remarques des habitants ou lors de notre diagnostic," remarque Michel Bonetti.

Dans le cadre d’une démocratie participative et représentative, les habitants et commerçants du quartier pourront valider d’ici peu les orientations stratégiques proposées par le CSTB. Les projets génériques et localisés permettront à la Ville de Paris de définir le champ d’action et d’esquisser les démarches qu’elle mettra en place avant la fin 2010.

De l'importance d'une lumière soignée

Après une visite du quartier, quelques clichés et prise de mesures, le diagnostic éclairage est plutôt positif : "Quelques réajustements sont nécessaires mais les luminaires sont de bonne qualité, les couleurs correctes et la maintenance bien assurée, précise Michel Garcia, ingénieur Eclairage au CSTB. Ce qui n’a rien d’étonnant car la Ville de Paris est très bien équipée grâce au Laboratoire des Equipements de la Rue, qui s’occupe notamment de l’éclairage." Cette impression générale est toutefois à nuancer. Les lanternes en fer forgé, accrochées au premier étage des façades, pourraient être descendues pour éviter toute nuisance auprès des riverains et obtenir un meilleur éclairement vertical. Cela ajouterait également à la convivialité des rues et apporterait une sensation de confort visuel. Zone d’ombre du quartier : la place Stravinsky, qui nécessite un apport de lumière important. "On recommande, pour une rue piétonne, entre 20 et 30 lux. Les mesures prises sur la place Stravinsky montrent un niveau extrêmement faible de 4 lux, autrement dit, la nuit noire !," explique Michel Garcia. Des améliorations pour les angles des rues Rambuteau/Saint-Martin et Quincampoix/Venise sont également recommandées.

Quand l’acoustique fait écho à la requalification

Le CSTB a réalisé un diagnostic acoustique "en marchant" grâce à des enregistrements sonores. Couplé à la cartographie du bruit du quartier de Beaubourg Saint-Merri, il permettra la réalisation d’un zonage acoustique. Il existe trois solutions pour lutter efficacement contre le bruit : la diminution du bruit à la source (réduction de la vitesse des véhicules, par exemple), la protection au niveau de la source ou du récepteur (avec des protections de faible hauteur, prototype innovant du CSTB) et enfin le masquage sonore (ajout d’un bruit accepté continu ou ponctuel qui va camoufler la nuisance : bruit de fontaine…). Le zonage acoustique devra être modéré par les contraintes existantes non-acoustiques, sociales (l’usage des habitants), urbanistes (les protections de faibles hauteurs sont peu esthétiques) afin d’établir les préconisations d’amélioration. "Mêler acoustique et sciences humaines est complètement novateur. Certaines choses sont possibles du point de vue de l’acousticien mais inenvisageables pour le sociologue ! Les potentialités d’amélioration devront prendre ces deux aspects en compte," explique Jérôme Defrance, spécialiste en acoustique environnementale et urbaine.