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La CAF de Paris reconvertie

La CAF était un symbole. Celui d’une époque prête à matérialiser la dynamique et les avancées sociales d’une capitale et de sa région en édifiant des projets de grande ampleur aussi révolutionnaires qu’expérimentaux. L’ensemble réalisé par l’architecte Raymond Lopez entre 1953 et 1959 proposait une nouvelle façon de travailler et d’accueillir les visiteurs. Un restaurant et une garderie à l’usage des employés ainsi qu’un jardin public prenaient place sur le site. Les espaces de travail étaient flexibles grâce à des cloisons amovibles largement vitrées. Ils étaient lumineux grâce une façade translucide. Quant aux innovations techniques et constructives, elles s’étaient taillé la part du lion dans un contexte d’après-guerre fortement marqué par les recherches pour l’industrialisation du bâtiment, dont Raymond Lopez était l’un des principaux artisans. Mais l’époque en était aussi à une profonde mutation de l’urbanisme. La continuité bâtie en périphérie d’îlot n’avait plus le droit de cité. Il fallait libérer le sol, l'espace. La conception intérieure de la tour Lopez procédait de la même logique que celle du plan masse. Là encore, il s’agissait de libérer l’espace.

Après un concours promoteur architecte lancé en 2003, l’architecte Dominique Hertenberger a été chargé du plan de masse et des logements ; l’agence Arte Charpentier Architectes, de la réhabilitation de la Tour Lopez. Le choix des co-promoteurs BNP Paribas Immobilier et OGIC était de s'inscrire dans une démarche respectueuse de la structure historique de l'immeuble, tout en répondant aux exigences actuelles de l’immobilier d'entreprise du 21ème siècle et aux enjeux environnementaux. La typologie de  l’espace existant et sa  trame structurelle ont su s'adapter à la flexibilité demandée par les utilisateurs. Dans le cadre de sa réhabilitation lourde, la tour Lopez a été entièrement désossée afin de préserver son impressionnante structure métallique de type "cantilever". A contrario, l’enveloppe et le second œuvre ont été repensés en totalité pour répondre à des exigences de fonctionnalités, de confort et de sécurité compatibles avec une reconversion de la barre des années 50 en immeuble de bureaux privatifs. A commencer par les façades en plastique et lames d’aluminium, remplacées par des double-peaux ventilées de 55 cm d’épaisseur.

Un ouvrage modeste mais astucieux

Plus généralement, tous les petits ouvrages et bâtiments initiaux qui parachevaient la composition de la CAF ont été démolis dans le cadre de l’opération immobilière qui comprenait également la construction de logements sociaux et en accession à la propriété. Au niveau du rez-de-chaussée de la tour Lopez, par exemple, une volumétrie elliptique et convexe se glissant sous le bâtiment-pont du restaurant s’est substituée à l’immense volume d’accueil concave d’origine, de manière à permettre la double accessibilité de l’édifice ménagée par les architectes du nouveau projet entre les rues Viala et Finlay.

Le CSTB s’est penché sur ce nouvel espace d’accueil composé par 200 m² de vitrages bombés que contreventent des raidisseurs en verre. La faisabilité, les risques de désordres et la sécurité de ce petit ouvrage complexe mais astucieux ont été évalués dans le cadre d’une Appréciation Technique d’Expérimentation. L’ouvrage, qui se prolonge par une verrière à faible pente, multiplie les détails soignés et les finesses de mise en œuvre. Ainsi, les bords des raidisseurs ont été façonnés en joints plats polis. Les vitrages sont trempés HST, autrement dit vérifiés au moyen d’un Heat Soak Test permettant de s’assurer de risques de casse spontanée très limités, alors que les joints de scellement ont été placés en retrait des verres afin que la façade paraisse la plus lisse possible. "L’ouvrage, presque exclusivement constitué de verre, a été réalisé sans éclissages, précise encore Jean-Louis Galéa, ingénieur au CSTB. La liaison des raidisseurs avec les vitrages verticaux a été établie par le collage d’un U en alliage d’aluminium. Une liaison de manière simple et efficace. Sans trous, ni vis !"


Copyright : Tristan Cuisinier

L’Héliotrex : un matériau expérimental de façade des années 50

L’ossature de la tour Lopez est constituée par deux files de onze poteaux placées au centre du bâtiment supportant des planchers avec de grands porte-à-faux (5.50m). Cela présentait l’avantage de permettre une libre disposition des locaux de bureaux. Mais cette structure à l’esthétique industrielle, où beauté et rationalisme étaient mêlés, avait l’inconvénient de présenter une flèche importante au niveau des consoles. Une façade légère s’imposait.

Les panneaux préfabriqués étant incompatibles pour des raisons de fixation et de dilatation entre les étages, Raymond Lopez s’était naturellement orienté vers une façade continue, un mur rideau dont les montants devaient être disposés devant les nez de plancher métalliques. Dans ces conditions, comment assurer une liaison correcte du mur rideau à l’ossature et résoudre le problème de déformation des meneaux ? Comment imaginer l’enveloppe la plus novatrice et la plus légère possible ? Raymond Lopez a trouvé la réponse à ces questions en suspendant intégralement les grilles de façade au dernier plancher de l’ossature, réalisant ainsi un véritable rideau stricto sensu. Un nouveau matériau faisait également son apparition : le plastique.

Les façades avant-gardistes de la tour Lopez ont en effet été réalisées en panneaux d’Héliotrex, constitués de résine polyester et de fibres de verre, comprenant deux plaques entre lesquelles s’insérait une âme nervurée. Ces panneaux, et notamment les études qui ont conduit à leur fabrication, marquaient une étape fondamentale dans la recherche des performances des polyesters armés. Mais dès sa mise en service, la tour Lopez prenait l’appellation de "tour infernale" en raison des températures élevées à l’intérieur des bureaux. Même si le rayonnement était en grande partie arrêté, les panneaux accumulaient la chaleur dans leur masse. Une série de brise-soleil en aluminium a dû rapidement être posée en recouvrement de l’Héliotrex, signifiant par là même l’expérience avortée d’un immeuble "tout  plastique".

Fiche technique

  • Localisation : 40-42 rue du Docteur Finlay et 20-22 rue Viala à Paris 15ème
  • Maîtrise d’Ouvrage : BNP Paribas Immobilier et OGIC
  • Maîtrise d’œuvre d’Exécution : BNP Paribas Immobilier
  • Architectes de conception : Arte Charpentier Architectes & Dominique Hertenberger
  • Bureau d’étude Façades : Roland Peltier
  • Conception et mise en œuvre des façades bombés : Schmidlin TSK AG
  • Réalisation des vitrages isolants bombés: CRICURSA
  • Réalisation des vitrages feuilletés : Verre Industriel
  • Bureau de contrôle : VERITAS
  • Livraison : octobre 2009