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Changement climatique, énergie et immobilier : la nouvelle donne

Egalement conviés à porter leur point de vue, l’ancienne ministre de l’Ecologie Corinne Lepage et l’architecte Philippe Madec ont mis en évidence un constat climatique et des politiques qui vont dans une seule et même direction : un changement inéluctable dans la manière de construire et dans le mode d’occupation des territoires. Si les pratiques professionnelles vont assurément et profondément se modifier, comment et en combien de temps vont-elles permettre de répondre à l’étendue du problème ?

Les rapports du GIEC1 expliquent que la quantité de gaz à effet de serre ne devrait pas dépasser 450 parties par million d’ici 2050 pour que l’augmentation de température ne soit pas supérieure à 2°C. Mais compte tenu de la croissance des pays du sud, l’objectif semble déjà difficile à tenir. Aujourd’hui l’atteinte portée aux services rendus par la nature s’estime en milliers de milliards de dollars par an2. Sans politique volontariste, la baisse annuelle du produit mondial brut par habitant serait à la fin du siècle de plus de 10%, si l'on intègre les pertes écologiques et les vies humaines. En simples termes économiques, le coût de l’inaction est supérieur à celui de l’action. Et l’immobilier, qui représente, selon les pays, de 40 à 50% des consommations d’énergie, est au centre de près de la moitié du problème. Associé au transport et plus globalement à l’urbanisme, il est véritablement l’enjeu principal de deux défis planétaires majeurs : le changement climatique et l’approvisionnement énergétique.

L’immobilier, près de la moitié du problème (cliquer sur les schémas pour agrandir)

Un nouveau paradigme

Mais un bâtiment efficace énergétiquement est avant tout un nouveau concept d’ensemble englobant l’architecture et son enveloppe, le climat et les équipements. Comme le souligne Philippe Madec à propos des transports et des habitats disséminés, "faire du développement durable suppose d’accepter l’interdépendance des parties et des domaines. Vouloir garder les processus actuels de construction, de rénovation, et de gestion des bâtiments en y ajoutant une dimension énergétique et environnementale est générateur de coûts d’investissement élevés pour une faible efficacité énergétique."

"Pour les acteurs de la construction, il s’agit véritablement d’un nouveau paradigme, insiste Jean Carassus, chef du projet Comparaison Internationale Bâtiment et Energie du programme PREBAT3 et Directeur du département Economie et Sciences Humaines du CSTB. "Il s’agit d’un nouveau système de référence et de nouvelles compétences. Il implique par là-même de nouveaux montages financiers, une collaboration architecte-ingénieur-économiste avec une participation du futur exploitant à la conception et aux optimisations successives, une mise en œuvre avec une préoccupation inhabituelle de l’étanchéité à l’air, ou encore une exploitation-maintenance exigeante."

Mais il s’agit aussi pour les acteurs et gestionnaires du bâtiment d’une extraordinaire opportunité d’enrichir une formation, des pratiques et une image. D’autant qu’avec des compétences maitrisées, les retours sur investissement sont évidemment possibles. Au risque de produire des bâtiments qui, à peine construits, sont déjà obsolètes, les professionnels de l’immobilier surestiment aujourd’hui le surinvestissement initial d’un immeuble à haute qualité environnementale alors qu’il se situe autour de 5%.4 Aux Etats-Unis par exemple, la différence d’investissement initial entre les immeubles LEED et les autres est de l’ordre de 3%, et en Suisse, le label MINERGIE n’est pas accordé si le surinvestissement est supérieur à 10%.

  1. GIEC : Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.
  2. Le rythme actuel d’utilisation des ressources et de disparition des espèces fait que les services rendus par les écosystèmes (pollinisation par les abeilles, etc.) sont en régression et ont un coût économique non négligeable.
  3. PREBAT : Programme de Recherche et d’Expérimentation sur l’Energie dans le Bâtiment, cofinancé par l’ADEME, le PUCA et le CSTB (http://www.prebat.net).
  4. Données du Energy Efficient Buildings du projet du World Business Council for Sustainable Development (http://www.wbcsd.org).

Les différents modèles de construction à haute efficacité énergétique et environnementale

En simplifiant, trois modèles internationaux de maîtrise de l’énergie dans les bâtiments ont été identifiés par le PREBAT.

  • Le 1er s’appuie sur le principe d’une faible consommation dans des bâtiments sur-isolés (dont font partie la maison passive allemande ou PASSIVHAUS, le label suisse MINERGIE, le label français EFFINERGIE).
  • Le 2e modèle associe l’objectif énergétique à d’autres cibles environnementales (le label américain LEED, le britannique BREEAM, et le français HQE sont des exemples).
  • Le 3e modèle mêle économies d’énergie et production énergétique (il s’agit des maisons en bois américaines et préfabriquées japonaises à production d’énergie par le photovoltaïque, le solaire thermique ou la pompe à chaleur). Ce dernier ouvre la voie aux bâtiments à énergie positive.

Les trois modèles sont praticables en France. A l’avenir, les certifications de type HQE pourraient renforcer leurs préoccupations énergétiques, mais un modèle hybride pourrait également voir le jour en associant un label HQE à un label Effinergie pour un même bâtiment.

Des techniques bien maîtrisées