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Michel Cantal-Dupart : "Vers une nouvelle façon de penser la ville"

 

Le Grand Paris est une expérience unique dans l’histoire. "Jamais on avait demandé à des architectes de penser la ville sans programme, note Michel Cantal-Dupart. On en a fait un événement national qui va devenir un événement international parce-que l’idée est en train d’être reprise par beaucoup de capitales dans le monde." Mais qu’est-ce qui fait Paris? Où se situent les dysfonctionnements? Quelles peuvent être les lignes de force du grand territoire ?

L’équipe de Michel Cantal-Dupart a orienté sa réflexion sur neuf idées principales, de la ville tissée et métissée à la ville des arts et des hauts lieux que cadrent trois principes fondamentaux : la ville sur la ville, le maillage des transports en communs, et l’intégration des zones sensibles au développement.

Arrêter la ville

"Nous avons déterminé les lisières de Paris et nous nous sommes dit que nous devions arrêter la ville, développe Michel Cantal-Dupart. En d’autres termes, stopper une extension qui se fait au détriment de la densification et des terres arables. Pourquoi ne pas envisager des "fronts de terre" comme des fronts de mer ? Une ville qui regarde le paysage rural ? Le Grand Paris doit se construire sur lui-même, ne serait-ce que pour protéger les zones agricoles des zones périurbaines : "Il est important de retrouver du maraîchage au plus près de nous et que la proximité des villes nourrissent les villes."

Michel Cantal-Dupart en appelle à l’esprit de Fulgence Bienvenüe, père du métro parisien, pour tenter de repenser les dessertes par les transports en commun. Il faut aujourd’hui trouver une alternative au réseau en toile d’araignée où tous les systèmes de communication conduisent immanquablement au centre de Paris. "Des transports en communs maillés" qui desservent aussi bien le centre avec la périphérie que les périphéries entre-elles : "La première ligne de métro était celle de l’exposition universelle de 1900, qui reliait la place de l’étoile à la Bastille en passant par le Châtelet, relate-t-il. Mais la deuxième ligne allait à la Nation en passant par Barbès-Rochechouart. Dès le début, Fulgence Bienvenüe avait imaginé la tangentielle. Mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, les immeubles du boulevard Barbès en vis-à-vis de la ligne aérienne ont été majoritairement construits après la réalisation du métropolitain."

La fabrication de la ville suit le même processus aléatoire que la cristallisation, pour laquelle il est impossible de prévoir, dans des conditions physiques données, l’endroit où apparaîtra le tout premier cristal : "La seule chose que l’on sache, c’est qu’à terme, il y a une croûte totalement homogène. La cristallisation, c’est la façon d’aménager un territoire sans préjuger de l’émergence du premier cristal. Quand on regarde un territoire, peu importe si l’aménagement commence par une école ici, une voirie là-bas, un musée ailleurs, si chacun de ces équipements sait comment il participe à la cristallisation de l’ensemble."

 

Une ville à une seule vitesse

Paris a la particularité de fonctionner à plusieurs vitesses. Entre le centre touristique, le quartier d’affaire de la Défense, et la cité du Val Fourré, plusieurs mondes se côtoient sans se croiser. "Mais pas question d’avoir un développement sans en régler les dysfonctionnements et sans intégrer les zones sensibles au développement", assène Michel Cantal-Dupart. Le Grand Paris est une immense opportunité pour replacer les zones marginales au cœur de la cité. Tout comme il est une opportunité pour favoriser la cristallisation d’une grande zone de recherche et d’activité en pointe, une Silicon Valley à la française selon les vœux présidentiels. A l’origine envisagé sur le plateau de Saclay par la Présidence de la République, l’équipe de Michel Cantal-Dupart en a redessiné les contours en fonction de l’usage et d’un projet global: "les 4 vallées". "Pourquoi se limiter à un plateau tout petit, alors qu’en prenant les vallées de l’Yvette, de la Bièvre, de l’Orge et de la Seine, on intègre les grands centres de recherche et nos grandes universités que sont par exemple la Pitié-Salpêtrière, la Sorbonne, et Nanterre?" Pour Michel Cantal-Dupart, la Seine et ses affluents sont le trait d’union du Grand Paris, le véritable chaînon manquant entre toutes les villes satellites du Paris historique. La ville ne se décrète pas, "elle s’organise autour de désirs successifs." Et le fleuve à l’origine de la fondation de la capitale peut être au cœur de ce désir. "Avec au milieu de tout cela, le plaisir et l’art de vivre."