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Les bétons changent de peau

La donne a changé pour l'industrie du béton préfabriqué. Au début des années 90, sont arrivés les bétons à hautes performances (BHP), bien vite utilisés à grande échelle pour les structures (poutres, poteaux-poutres, systèmes de planchers à poutrelles…). L'utilisation massive de ce type de béton s'explique par les performances du produit fini, d'une part, (portée plus importante, possibilité de supporter des charges plus lourdes, etc..) et par des raisons industrielles : le durcissement plus rapide de ces bétons autorise une augmentation des cadences de production).

Depuis cinq ans, les bétons auto-plaçants (BAP) ont fait leur apparition : performances élevées (de 40 à 70 MPa) et nombreux atouts, notamment sur le plan esthétique. Ce qui le caractérise sans doute le plus est sa fluidité à l'état frais, d'où un mode de fabrication avec des gains de productivité et de meilleures conditions de travail (plus grande longévité des moules, diminution des nuisances sonores…). Par ailleurs, sa une mise en place se fait sans vibreur.

Le béton auto-plaçant à haute performance (BAP HP) est désormais venu compléter la gamme de bétons. Présentant de réels atouts pour de nouveaux produits de structure préfabriqués, la connaissance de son comportement et des produits qu'il permet de réaliser mérite encore toutefois quelques approfondissements.

La fluidité à l'état frais des bétons auto-plaçants s'obtient grâce à un rapport gravier/sable inférieur à celui des bétons classiques. L'ajout d'éléments fins et le recours à des adjuvants de nouvelle génération contribuent à l'obtention d'un matériau particulièrement dense et résistant lorsque les dosages et la fabrication sont bien maîtrisés.

Le CSTB et le CERIB ont mené une étude conjointe sur le comportement des BAP HP à haute température. Les résultats ont été comparés avec ceux issus des bétons vibrés.

Avantage aux bétons fibrés

Premier volet de l'étude : évaluer la susceptibilité à l'écaillage et à l'éclatement lors d'une exposition à l'incendie. Ces phénomènes peuvent apparaître dans les bétons auto-plaçants à très hautes performances, dont la matrice est compacte et la perméabilité très faible. Pourquoi ? D'une part en raison des contraintes internes dans le matériau dues aux incompatibilités de déformation, d'autre part à cause de la mise en pression de la vapeur d'eau contenue dans le béton. Les essais ont eu pour principal objectif de montrer l'efficacité des fibres de polypropylène pour prévenir l'écaillage sur des bétons à très haute performance (90 à 110 MPA). Ainsi, même à des dosages relativement faibles, des fibres de faible diamètre offrent une solution efficace pour réduire, voire supprime, les risques d'écaillage du béton, selon l'objectif recherché, sans en diminuer les performances mécaniques à haute température.

Comportement mécanique identique aux BHP

L'étude du comportement mécanique a consisté dans un premiers temps à réaliser des essais de compression à chaud sur des bétons auto-plaçants à très haute performances, en les soumettant à des températures de 20 à 600°C. Les résultats sont similaires à ceux obtenus sur les bétons vibrés. On observe une décroissance de la résistance de 20 à 30%, en compression à 120°C. Les résistances augmentent généralement entre 120 et 250°C, puis diminuent à nouveau entre 400 et 600°C. Les origines de ces variations de résistances sont multiples. Ainsi, dans une zone de 100 à 250°C, les propriétés mécaniques apparaissent principalement influencées par ce qui se passe dans la pâte de ciment : l'eau contenue dans le béton joue certainement un rôle important et explique les variations de résistance. Au-delà de 400°C, il y a fissuration du béton, liée à l'incompatibilité de déformation entre la pâte (qui se rétracte car elle perd de l'eau) et les granulats (qui continuent à se dilater).

Une clé du comportement à haute température

La deuxième phase de l'étude concernait la déformation thermique transitoire. Lorsque les bétons sont simultanément soumis à une charge de compression (généralement de 20 à 50% de leur résistance) et que l'on augmente la température de l'éprouvette, on observe une déformation différente de celle observée dans le cas d'une augmentation de la température seule. La déformation sera plus faible que la seule dilatation thermique, voire inversée (comprimée). Sa valeur est quasi-proportionnelle à la charge que l'on applique. Par ailleurs, elle n'apparaît que lors de la première montée en température de l'éprouvette. Ce phénomène est rarement pris en compte dans les calculs de structure, il permet cependant d'accéder aux déformations réelles dans les structures.