Forêt de verre au Musée des Arts Premiers

« C'est un musée bâti autour d'une collection. Où tout est fait pour provoquer l'éclosion de l'émotion portée par l'objet premier ; où tout est fait à la fois pour le protéger de la lumière et pour capter le rare rayon de soleil indispensable à la vibration, à l'installation des spiritualités. C'est l'asile où sont accueillis les travaux censurés ou méprisés aujourd'hui conçus en Australie et en Amérique. C'est un endroit chargé, habité, celui où dialoguent les esprits ancestraux des hommes qui, découvrant la condition humaine, inventaient dieux et croyances. » C'est ainsi que Jean Nouvel décrivait son projet dans la lettre d'intention pour le concours international d'architecture pour la construction du musée des Arts Premiers*.

Jean Nouvel a pensé son projet en voulant « créer une galerie dans laquelle on puisse ressentir un esprit ou tout au moins le pouvoir des esprits ». Résultat : l'ouvrage prend la forme d'une large passerelle au milieu des arbres, dissimulé par un jardin de 18 000 m² que l'on doit au paysagiste Gilles Clément. Ce jardin est soustrait à la circulation du Quai Branly par une longue et haute paroi de verre sérigraphié, à l'instar de ce que Jean Nouvel avait imaginé plus de 10 ans en arrière pour la Fondation Cartier. La marque de fabrique de l'ouvrage reste pourtant la série de boîtes suspendues en façade nord, des "excroissances" colorées de tailles variables, autant de salles d'exposition qui renfermeront des œuvres classées par origine.

Travail sur la matière

Les 39 000 m² de ce musée seront dédiés aux 300 000 objets d'arts non occidentaux originaires d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques. Ils abriteront des salles de collections permanentes formées de plateaux, des espaces pour les expositions temporaires, de larges réserves pour les chercheurs, une médiathèque, un auditorium, des salles de cours et de conférences et un bar-restaurant sous verrière en partie haute avec ouverture sur une terrasse accessible. Le travail sur la matière a été particulièrement poussé, notamment pour tout ce qui touche au verre et au bois. Une matière qui, par moments, semble disparaître, donnant, dixit Jean Nouvel, « l'impression que le musée est un simple abri sans façade dans un bois ». L'ouvrage est caractérisé par de grands volumes de verre qui parsèment l'ouvrage. C'est le cas par exemple de deux ensembles vitrés ayant chacun fait l'objet d'un dépôt par l'entreprise VMT Transparence d'une Appréciation Technique d'Expérimentation : les ouvrages vitrés, parties polygonées et cintrées de la façade des expositions temporaires, en léger surplomb par rapport au niveau jardin, et sur une même orientation, la façade nord en partie haute en vitrage pincé et losangé.

Sérigraphie de points blancs

La façade en vitrage pincé côté nord est un challenge esthétique, particulièrement réussi. Elle semble matérialiser une vague en associant verre et métal. Le développé de la façade VEC polygonée et cintrée est de 86 m sur 8,85 m de haut. Le rez-de-chaussée vitré est formé de vitrages qui viennent découper en trois dimensions verticales différentes la hauteur de la façade. Les longueurs sont identiques pour la partie cintrée et variables en croissant pour la partie polygonée. Une partie des verres plans et la totalité des verres cintrés sont sérigraphiés avec un motif de dégradé par points blancs. L'ATEx porte uniquement sur la partie en vitrages VEC de cette façade, s'arrêtant lorsque les cadres verriers sont remplacés par des tôles d'aluminium entièrement opacifiantes. Les cadres VEC sont fixés sur une ossature métallique conçue par l'entreprise SMB, cotraitante avec VMT de ce lot façade non traditionnelle. L'ossature porteuse se compose d'une structure primaire verticale tramée à écartements variables et d'une structure secondaire porteuse des façades et disposées en avant de la structure primaire. La structure est butonée horizontalement sur la structure primaire à chaque niveau de lisse, ainsi qu'en tête, où elle est suspendue. « Cette façade courbe montre une sérigraphie originale car elle est subtilement dosée de bas en haut pour passer d'une quasi absence à un aspect presque opaque au fur et à mesure que l'on arrive dans la courbe de la façade. Cette sérigraphie progressive de haut en bas et de gauche à droite permet de faire la jonction avec les parties métalliques sans casser le rythme de la façade. »

Forêt tropicale verrière

La seconde ATEx porte sur la façade de 1 000 m² qui ferme le musée côté Seine. Elle est composée de vitrages isolants pincés, en losanges ou en triangles, représentant une forêt tropicale. Les vitrages sont interrompus par les excroissances parallélépipédiques de dimensions variables. Les volumes de verre sont maintenus par une structure métallique secondaire réalisée à partir de profils tubulaires habillés de châtaignier, ces coffres bois ne participant pas à la résistance du système porteur. Sur les vitrages, pincés à chaque angle par des pièces métalliques en aluminium moulées, est collé en partie extérieure un film image représentant une forêt, ou tout le moins plusieurs forêts assemblées. La grande difficulté a consisté, lors de la mise en œuvre, à faire glisser ces vitrages dans la structure tubulaire préexistante et de régler le tout afin que le film image ne soit pas serré par les pinces (2 mm de détourage au niveau des pinces).

Le Musée des Arts Premiers constitue pour l'heure le sommet en matière d'enveloppe innovante, dans la logique d'un ouvrage qui se veut une ode à la transparence et à la dématérialisation.

* Pour une version complète du texte, voir le site officiel du musée