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Bâtiment et solaire : mariage de raison

Le solaire thermique apparaît en France comme le signe avant-coureur de l'arrivée des énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment. Si en 2003, 5 400 chauffe-eau solaires individuels (CESI) ont été installés (pour une surface de 25 000 m²), l'objectif des 7 500 pièces (soit 34 500 m²) devrait être atteint en 2004. Ainsi que le précisait en ouverture du congrès André Joffre, Président d'Enerplan, « le marché du chauffe eau solaire se comporte très bien, même s'il est naissant. La bonne nouvelle vient du collectif, où l'on s'attend à une très forte progression, conformément aux ambitions affichées par le Plan Soleil de l'Ademe et par la Loi d'Orientation sur l'Énergie qui devrait être votée au 1er semestre 2005 et qui vise 200 000 CESI installés à l'horizon 2010 ».

Le solaire thermique à la hausse

Pour l'heure, le bilan du marché solaire au 1er semestre 2004 livré par Enerplan montre un marché clairement orienté à la hausse par rapport à 2003. Au 30 juin, le marché du chauffe-eau solaire était proche des 4 000 CESI, contre 2 500 installés l'année dernière à la même date. Pour les systèmes solaires combinés, avec 350 machines mises en œuvre, plus des 2/3 de l'objectif annuel était dores et déjà atteints à la fin du premier semestre 2004. Le marché de l'eau chaude sanitaire collective, quant à lui, apparaît stable par rapport à l'année 2003. Trois régions concentrent 40 % du marché du solaire thermique en France avec, malgré tout, une croissance plus faible qu'en 2003 : Alsace, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes, avec chacune 1 000 installations de chauffe-eau solaire l'an. Les régions PACA, Languedoc-roussillon et Aquitaine sont pour leur part dans une dynamique ascensionnelle, avec de 700 à 800 CESI installés par an. Le total de ces six régions vaut pour 70 % du marché français. Notons que le marché du neuf demeure pratiquement absent du volume des installations.

Gros efforts d'ici 2010

Pour le segment système solaire combiné (SSC), la région Rhône-Alpes est en tête avec 170 SSC par an (soit 35 % du marché national), suivie par l'Alsace avec 100 machines installées l'an. L'étude du segment eau chaude sanitaire collective (ESCCol) fait apparaître une demande en forte hausse qui devrait dépasser les 8 000 m² installés d'ici la fin de l'année 2004. Alsace, Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon et Île-de-France sont à un niveau de 1 000 à 2 000 m² installés par an.

Face à ces chiffres, l'association Enerplan fait cependant part de sa frustration. Si le marché est en phase avec le Plan Soleil, il demeure cependant modeste, compte tenu des nouveaux objectifs. Le Plan Soleil prévoyait 50 000 CESI installés entre 2000 et 2006, plus de 3 000 SSC et 25 000 m² en cumulé pour le collectif. L'objectif d'1 million de m² par an en 2010 contre à peine 100 000 m² installés en 2004 prouve que de gros efforts sont encore à fournir.

Des efforts quasi-titanesques seront nécessaires si l'on veut pousser le photovoltaïque pour la production d'électricité. « En 1995, le ministère de l'Industrie ne croyait pas au solaire thermique, déplore Alain Joffre. Résultat : l'industrie nationale souffre désormais de la concurrence de pays comme l'Allemagne. Notre crainte est que cela se reproduise avec le photovoltaïque qui ne fait pour l'heure l'objet d'aucune stratégie de développement de la part des Pouvoirs publics. Le seul moyen de pousser ce marché est de retrouver le soutien qui est apparu même tardivement pour le chauffage solaire. »

Photovoltaïque connecté réseau

Actuellement, le marché du connecté réseau est passé de 0,66 MW installés en 2002 à 2,9 MW en 2003 ; il devrait atteindre les 5 MW pour cette année. L'équipement de site isolé ne représentant plus pour sa part qu'1 MW installé en 2004, la croissance du secteur semble dès lors se diriger davantage vers le photovoltaïque connecté réseau, "solution technique prometteuse", selon l'association Enerplan. Laquelle rappelle que la Loi d'Orientation sur l'Énergie vise à compter de 2010 l'économie de 0,4 Mtep/an grâce au solaire thermique, ce qui équivaut à plus d'1 million de m² de capteurs solaires installés (soit 100 MW) d'ici 2010, « soit le tiers à peine de ce que développe l'Allemagne aujourd'hui », note Alain Joffre.

La fiscalité initiée par les Pouvoirs publics aidera t elle à atteindre cet ambitieux objectif ? C'est en tout cas ce que vise le crédit d'impôt (et non plus la déduction fiscale antérieurement proposée) "énergie renouvelable" pour les particuliers, qui sera porté à 40 % du prix de l'achat du matériel, à hauteur de 7 000 € et ce, jusqu'au 31 décembre 2007. Ainsi que le rappelait lors de ce congrès Michèle Pappalardo, Présidente de l'Ademe, « cette nouvelle disposition présente l'avantage de la grande simplicité comparée à la distribution des subventions et surtout l'absence de limitation en volume. » En clair, jusqu'à aujourd'hui, lorsque les caisses de l'Ademe étaient vides, la subvention de projets solaires était soit reportée soit annulée. Ce qui ne sera plus le cas avec ce dispositif axé sur des crédits "extensibles" et non sur des crédits limités et dont l'ambition affichée par Michèle Pappalardo est clairement d'ajouter à la maîtrise de l'énergie "classique" (la mission originelle de l'Ademe) l'intégration et la promotion des énergies renouvelables, et notamment du solaire. Reste que le changement est brutal par rapport aux anciennes procédures d'aide disponibles jusqu'à aujourd'hui, puisque l'argent ayant servi à l'installation ne sera disponible que de 12 à 15 mois plus tard.

Une énergie comme une autre

Cette volonté de sortir le solaire de sa relative confidentialité exprimée par la présidente de l'Ademe l'aura également été par Alain Maugard, Président du CSTB, pour qui « il faut cesser de comparer la filière solaire aux filières concurrentes en bout de souffle et qui buttent sur le problème de l'effet de serre. Il faut encore travailler afin que le solaire devienne un produit de chauffage standard. Une ambition qui passera par la mise en place d'une filière viable, laquelle ne devra pas être appréhendée de facto comme un marché rentable. Au final, l'ambition reste la mise en œuvre de procédés qui soient exempts de production de gaz à effet de serre, pour parvenir au concept de bâtiment à énergie positive. »

Si, sur le million et demi de matériels de production d'eau chaude installés chaque année en France, les 7 500 chauffe-eau solaires mis en œuvre en 2004 sont encore une goutte d'eau, les perspectives de développement apparaissent pour leur part largement porteuses.