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Partenariat public privé et bâtiment en Europe, les enseignements pour la France

Pochette de l'ouvrage Partenariat public-privé
L'ouvrage Partenariat public-privé

Au CSTB, l'ouverture aux nouvelles expériences est toujours mise en avant. C'est le cas notamment des partenariats public/privé (PPP) auquel le CSTB s'est intéressé, "les nouvelles organisations faisant partie intégrante de la recherche scientifique", note Alain Maugard, Président du CSTB. Dans une approche non partisane, il fallait analyser cette expérience de partenariat entre le public et le privé avec le plus grand recul possible afin de séparer facteurs d'échec et conditions de succès.

Inventer un nouveau vecteur d'innovation afin d'améliorer la commande publique : tel est en résumé le principe du partenariat public privé. Mais le recours à ce montage financier ne doit pas être compris comme une façon de déléguer un projet au secteur privé afin de pallier les insuffisances des autorités publiques, notent les auteurs. Ce livre dresse les enseignements d'actions entreprises dans quatre pays européens : le Royaume-Uni, l'Italie, le Danemark et la France, récemment tentée par l'expérience. Cet ouvrage se veut une sorte de "mode d'emploi" pour faire fructifier les expériences positives des voisins européens et analyser les échecs afin de ne pas les répéter. Au plan macro-économique, "si la France se lançait rapidement dans un flux important de partenariats, le pays pourrait gagner jusqu'à ½ point de croissance, ce qui n'est pas si mal pour un pays dont on reproche constamment la frilosité en matière d'investissement", note Claude Martinand, vice-président du Conseil général des ponts et chaussées et président de l'Institut de la gestion déléguée.

Un retard non rédhibitoire

Frédéric Bougrain, Jean Carassus et Marc Colombard-Prout ont tiré les enseignements de dix cas réels de PPP en Europe, offrant aux personnes publiques françaises un cadre d'analyse pour bien piloter un contrat de partenariat et définir au mieux des modalités pour réduire les asymétries d'information. Dans le même temps, il s'agissait de présenter les dispositifs mis en place par les acteurs pour mesurer et favoriser la qualité du service rendu à l'utilisateur final, ce second objectif complétant le premier en ce que la mise en œuvre d'indicateurs de mesure de la qualité de service participe au pilotage du partenariat.

Dans le secteur du bâtiment, la France est en retard par rapport à ses partenaires européens, ce qui n'est pour l'instant pas rédhibitoire puisque, depuis l'ordonnance du 17 juin 2004 et les réglementations récentes sectorielles (santé, sécurité, prison, défense), les acteurs publics peuvent monter des projets en partenariat avec le secteur privé. Avant cette date, la plupart des opérations ont été conduites dans le cadre de la loi du 22 juin 1987 sur la construction de prisons et des contrats dits de METP (marchés d'entreprises de travaux publics). Néanmoins, la France est déjà rompue à un type particulier de montage financier public privé dans le secteur des infrastructures avec, notamment, la notion de délégation de service public. Le premier PPP digne de ce nom en France remonte à 2004. Il concerne la rénovation de l'ensemble de l'éclairage public de la petite ville d'Auvers-sur-Oise en région parisienne. Depuis, un certain nombre de ministères ont été tentés par l'expérience, comme celui de la Santé qui, en créant la Mission nationale d'Appui à l'Investissement Hospitalier (MAINH), a souhaité trouver de nouvelles sources de financement pour mener à bien son plan "Hôpital 2007". Mais les initiatives françaises demeurent à ce jour limitées. Aujourd'hui, les PPP ne concernent pas uniquement le secteur du bâtiment. Cette expérience vient montrer à propos que les collectivités territoriales sont aujourd'hui le champ principal de développement des PPP.

Faire évoluer le rôle des personnes publiques

Les PPP ont notamment cours dans le secteur des services, des transports, de l'éducation, des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Au cours des cinq dernières années, ils se sont fortement développés, avec plus ou moins de succès.

Ces nouvelles formes de coopération entre autorités publiques et entreprises permettent d'atteindre plusieurs objectifs : permettre à l'Etat et aux collectivités territoriales de financer plus rapidement leurs besoins en infrastructures, intégrer certaines méthodes de fonctionnement du secteur privé et bénéficier de savoir faire plus spécialisés, et faire évoluer le rôle des personnes publiques dans la sphère économique en les faisant passer du rôle de simples opérateurs à celui d'organisateurs, de régulateurs et de contrôleurs.

Actuellement, c'est ce qui ressort de l'enquête conduite auprès de nos voisins européens, tous les secteurs ne sont pas égaux devant les PPP, puisque les investissements touchent principalement les infrastructures routières. Mais leur part dans la gestion des grands services publics demeure à ce jour encore faible, de l'ordre de 5%. Au Royaume-Uni, où le lancement de la procédure de PPP dans le secteur des bâtiments publics remonte à 1992, la part des projets de partenariat demeure faible : elle atteint, selon les années, de 10 à 13,5% du total des investissements publics.

Ainsi que le notent les chercheurs du CSTB, « ce que l'économie attend de la construction, ce n'est plus un accroissement massif du stock des bâtiments et des infrastructures, mais une optimisation du service rendu par des ouvrages, à construire ou existants, pour une économie plus efficace et plus durable. Ces exigences émanent avant tout des entreprises et des administrations. Les contrats de PPP vont au-delà de la production de l'ouvrage et cherchent avant tout à fournir un service de qualité sur le long terme. » Au Royaume Uni, l'objet d'un PPP est très clair : la prestation d'un service et non la construction d'un bâtiment.

Quid alors des expériences européennes ? Au Royaume Uni, précurseur du PPP en Europe, 653 opérations étaient en cours en 2004, soit un montant d'investissement de 60 milliards d'euros. Pas moins de 13 000 fonctionnaires anglais ont été formés ces dernières années aux procédures PPP.

Quels enseignements ?

L'étude de dix cas réels dans quatre pays européens est riche d'enseignements pour les futurs contrats français, à faire et à ne pas faire, et dans tous les cas à prendre en compte pour éviter les échecs.
En l'absence de réelle volonté politique, les partenariats sont voués à l'échec. C'est une des premières conclusions qui ressort de cette étude à grande échelle. Les commanditaires publics devront dans tous les cas être épaulés dans leur prise de décision et ne pas considérer le PPP comme un moyen facile de se désengager de leurs responsabilités en déléguant passivement la construction et la gestion d'un ouvrage à un partenaire privé, ce sans faire jouer sa capacité d'analyse et de comparaison entre différents modes de financement. « Faire du PPP pour des raisons idéologiques et ne pas procéder à une réelle comparaison avec des solutions alternatives ne permettent pas d'engager un partenariat dans des conditions saines », expliquent les chercheurs du CSTB.

Inversement, ce qui doit motiver le PPP doit être explicite pour garantir le succès de l'opération : « L'urgence, donc les délais et la nécessité de recourir à des compétences extérieures, l'insuffisance de financement à court terme, la maîtrise des coûts, une meilleure maintenance due à l'engagement à long terme sur un budget sanctuarisé, un meilleur service rendu à l'utilisateur final, l'innovation constituent des raisons de faire appel au partenariat public privé » poursuivent-ils.

Au final, le retard français aura permis de capitaliser sur les expériences extranationales. Reste à la commande publique à entendre le PPP comme une solution alternative au financement du secteur de la construction, et non comme la panacée pour résoudre l'ensemble des problèmes techniques et financiers d'un projet.