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La démarche de Requalification du quartier de la porte Pouchet à Paris

Le quartier de la porte Pouchet situé au nord du XVIIème arrondissement de Paris est un territoire prioritaire qui rentre dans la classification très restreinte des zones urbaines à requalifier. Porte qui n'en est pas vraiment une, puisqu'elle n'assure pas d'accès direct au périphérique, elle est délimitée par ce dernier au nord ainsi que par un quartier à dominante tertiaire sur la commune attenante de Saint-Ouen, et au sud par la rue Pierre Rébière le long du cimetière des Batignolles et le mail André Bréchet.

Elle est cernée à l'ouest par le cimetière des Batignolles et à l'est par le stade Max Roussié. En bref, entre périphérique, Maréchaux, cimetière, stade et caserne de pompiers, le site est fortement contraint.

Porter un diagnostic et concevoir des solutions

Isolés, entre Maréchaux et banlieue, les trois immeubles situés dans ce périmètre de la porte Pouchet (soit 12,5 hectares) sont construits en retrait des HBM érigées dans les années 20, derrière la ceinture rouge enserrant la capitale. L'habitat exclusivement social comprend la cité du Bois le Prêtre qui compte 326 logements gérés par l'OPAC répartis dans deux tours de 97 logements chacune et une barre de 132 logements. Mal entretenu, ce parc immobilier est générateur de nombreux problèmes mis au jour par l'étude du CSTB intitulée « Mission de requalification urbaine et d'adaptation de la gestion pour la ville de Paris, secteur de la porte Pouchet ».

« L'objet de la mission, explique Michel Bonetti qui dirige le Laboratoire de Sociologie Urbaine Générative, était de réaliser un diagnostic du fonctionnement urbain et d'élaborer un programme d'action en étroite collaboration avec les responsables politiques et les services concernés. Il ne s'agit pas seulement de réaliser une étude, mais de mettre en place une démarche permettant de développer la coopération entre les acteurs chargés de la réalisation du programme qui sera élaboré. »

L'équipe de Michel Bonetti (Marion Pierre du CSTB, Christophe Pallot et Maïa Brugére du CREPAH, Jean-Didier Laforgue, architecte-urbaniste) appelée en consultance pour épauler la conduite d'une opération de restructuration lourde, aura notamment permis d'identifier les fragilités du territoire.

Un quartier cumulant des handicaps socio-urbains

Le quartier de la porte Pouchet souffre ainsi d'un isolement physique décrit plus avant mais également d'un isolement fonctionnel en raison notamment de l'éloignement des centres de vie, de son caractère mono fonctionnel, de l'interruption des transports collectifs en week-end. A cela il convient d'ajouter une image de quartier dégradé, due à l'occupation par les services de la Ville de Paris de larges parcelles avec des activités dévalorisantes et génératrices de bruit (pré-fourrière, dépôt voirie, stationnement de voitures de la ville, déchetterie, entreposage) qui viennent fragmenter le territoire.

Prostitution rue Rébière, square Emile Borel dégradé, tour d'habitation du Bois le Prêtre accolée au périphérique et aux appartements jamais rénovés, stationnement anarchique terminent de noircir un peu plus le tableau. Le constat de l'étude du CSTB est sans appel : « la combinaison de ces différents éléments (composition urbaine, organisation de la voirie, multiplication des clôtures dégradées, absence d'activité, etc..) génère une ambiance urbaine inanimée et triste, et de ce fait insécurisante. Les espaces dévalorisés et peu fréquentés alimentent le sentiment d'insécurité et favorisent le développement de la délinquance qui tend à s'installer dans les lieux désertés et difficilement contrôlables ».

Des atouts à valoriser

Face à cette analyse sans équivoque, la direction de l'urbanisme de la Ville de Paris (sous direction de l'aménagement, avec Véronique Grimonpont comme chef de projet) a souhaité mettre en œuvre « un projet ambitieux de restructuration urbaine qui combinera le désenclavement du quartier, la réorganisation des services de la ville et de la pré-fourrière sur des terrains plus exigus, la libération conséquente de foncier pour accueillir de nouveaux programmes, ainsi que des interventions lourdes sur la cité du Bois Leprêtre, qu'il s'agisse de réhabilitation ou de démolition/reconstruction ».

Sur ce dernier point (intervenir lourdement en détruisant des logements), il était important d'avoir l'avis des premiers concernés, c'est à dire des habitants, ce à quoi se sont attelés les chercheurs du CSTB en conduisant des entretiens auprès de 50 locataires sur les 326 logements compris sur le site. Où il apparaît que si nombreux sont ceux qui rejettent le site de la porte Pouchet, beaucoup par contre apprécient le quartier qui le jouxte et fréquentent assidûment les avenues de Saint-Ouen et de Clichy, en allant à l'ouest jusqu'à Montmartre et la Place Clichy.

Au final, la majorité des habitants souhaite être relogée sur place ou dans un environnement proche en cas de démolition de leur immeuble. Car malgré tout ces problèmes le site comporte des atouts certains, et en premier lieu l'espace paysager qui représente un potentiel non négligeable, avec un mail large de 25 mètres planté d'arbres de bonne facture, le cimetière largement verdoyant, le square Borel relativement dégradé mais pouvant aisément être rénové pour devenir un espace de détente et d'animation, ou encore des parkings paysagers à l'arrière de la tour Borel et de la tour du Bois le Prêtre. Pour l'équipe de Michel Bonetti, la mise en valeur de cet espace paysager apparaît ainsi comme le véritable point d'appui ainsi qu'une orientation majeure du projet de requalification et de restructuration urbaine.

Une consultation auprès d'architectes-urbanistes

Parce que la mission du CSTB n'intègre pas la mise en œuvre des différents projets que comporte le programme proposé, une série d'études de définition a été lancée par la Ville de Paris afin d'aboutir in fine à des solutions concrètes et concertées. Suite à l'appel d'offres ouvert pour le réaménagement de la porte Pouchet, trois équipes auront été retenues (Atelier Choiseul, Atelier Castro-Denissof, Agence Co-Bé), avec un rendu de projet le 23 février. Chacune devra répondre à des enjeux à la fois clairs et ambitieux : améliorer les conditions de vie des habitants du quartier, diversifier les usages du quartier et améliorer la vie locale, prendre part au développement économique du nord-ouest parisien, désenclaver et améliorer la desserte du quartier, et enfin améliorer le paysage en tirant parti de la trame verte existante. Un projet à accomplir sur dix ans.