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Aménagement de villes et territoires d'habitants - Un siècle dans le Sud algérien

Depuis une quarantaine d'années, l'analyse approfondie de la production irrégulière de l'espace a peu amélioré l'emprise des politiques publiques et des pratiques professionnelles sur les réalités urbaines : les pratiques dites à faible légitimité concernent des aires importantes et les villes se développent selon des modalités multiples, qui rentrent souvent en contradiction, voire en conflit.

Pour dépasser le constat, maintes fois fait, d'une démarche officielle interventionniste et autiste face à des modes d'action différents sur les territoires, il devient nécessaire de porter un regard sur le fonctionnement même de l'appareil institutionnel face à « l'autoproduction » : dans quelles conditions prend-il en compte d'autres formes d'organisation de l'espace ? De quelles manières y adapte-t-il ses démarches d'aménagement ?

Le sud de l'Algérie constitue un terrain intéressant pour une telle observation sur la longue durée dépassant les interventions officielles les plus voyantes et les plus radicales. Cette aire a connu une installation et une évolution particulières de l'appareil administratif.

Entre 1880 et 1957, alors que les territoires du Sud étaient sous l'autorité de militaires français aux pouvoirs étendus, des procédés de coopération en matière d'occupation et d'usage des espaces urbains et régionaux furent esquissés. Ils relevaient d'un ensemble de principes d'action combinant les négociations directes, l'usage des stratégies de partages territoriaux et le recours aux intermédiaires locaux.

A partir des années 1950, l'administration civile, française puis algérienne, introduit une doctrine et des outils modernistes réduisant progressivement la « co-production » à la séparation spatiale et sociale des deux formes d'organisation de l'espace. Durant ces deux périodes, les professionnels et les responsables politico-administratifs ont fait face aux incertitudes des situations induites par la multiplicité des acteurs et la non-maîtrise des territoires à aménager. Pour cela, ils durent combiner les techniques et les procédures d'action mais surtout les adapter quitte à en réduire l'efficacité financière et la validité légale. Ils articulèrent celles-ci en fonction de leurs propres doctrines professionnelles et des impératifs politiques.

Pendant un siècle (1880-1997), l'apparition et la transformation de ces procédés de coordination ont été partiellement déterminées par le regard porté sur les autres intervenants (les habitants, les propriétaires fonciers, les intermédiaires...) et leurs modes d'organisation spatiale. Ces procédés adoptèrent les formes de l'intermédiation sociale et de la mise en cohérence spatiale. Mis en œuvre, ils aidèrent à réduire les contradictions entre des modes de faire et des objets mobilisés par les acteurs urbains dans leurs stratégies et dans leurs trajectoires de vie.

Taoufik Souami, Aménageurs de villes et territoires d'habitants. Un siècle dans le Sud algérien. Préface de Michel Marié, Ed. L'Harmattan, 2003, 420 p., 32,50 Euros

ISBN : 2-7475-5743-

Taoufik Souami

Taoufik Souami est chercheur au département Economie et Sciences Humaines du CSTB. Architecte et urbaniste, il étudie les mutations sociales dans la conduites des projets techniques, architecturaux et urbains en France et à l'étranger.

Diplômé de l'Ecole Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme d'Alger en 1992, Taoufik Souami se spécialise dans l'urbanisme en suivant en parallèle un DEA et un DESS d'urbanisme et d'aménagement à l'Institut français d'urbanisme de Paris VIII  jusqu'en 1994.

En 1997, il réalise une recherche pour le PUCA et le ministère des Affaires étrangères sur la production informelle de la ville (quartiers informels et économie informelle). Il devient docteur en urbanisme et aménagement en 1999.

Taoufik Souami a également travaillé en tant qu'architecte-urbaniste dans des bureaux d'études de la région parisienne. De 1999 à 2001, il enseigne à l'Institut Français d'Urbanisme et au laboratoire Théories Mutations Urbaines du CNRS. Il y travaille sur  les pratiques professionnelles des urbanistes et aménageurs des territoires français, belge et de plusieurs pays méditerranéens. Entre autres modèles et approches étudiées, on trouve la planification des transports, les schémas directeurs d'urbanisme de Beyrouth et du grand Caire par exemple.

En 2001, Taoufik Souami  réalise une étude sur les urbanistes marocains, algériens, égyptiens et turcs et s'attache à comprendre leur organisation au niveau local : étude du contenu des formations professionnelles, des marchés locaux de la commande et du réseau d'urbanistes et de bureaux d'études sur place. Il rejoint le CSTB le 1er août 2002